Tout le monde attend. Dort et rêve et attend de pouvoir réveiller quelqu’un, qui pourrait comprendre
Je l'ai terminé il y a plus d'un mois. Certains livres ne survivent pas assez bien dans la mémoire pour en parler avec fougue, enthousiasme, et bonheur après 30 jours. Twisted Tree, si. Même si j'aurais adoré l'avoir chez moi pour faire surtout parler l'auteur plutôt que moi, à coup de citations à rallonge. Parce que ce sont des pages entières de ce livre qu'il faudrait copier pour bien comprendre toute la merveilleuse mécanique du style de Kent Meyers. Sa façon d'imbriquer les choses, de mêler les éléments.
Quand j'ai commencé Twisted Tree, j'ai immédiatement été happée. Regard subjectif d'un tueur pervers. Dans sa tête. Sa vision. Sa chasse. Pas à pas. Collée à ses pensées glauques, froides comme ce froid qui brûle. Immédiatement c'était sombre, sec, brute, et sans concession gentillette pour humaniser le Monstre.
Kent Meyers te balance donc un style comme il te jetterait une poignée de terre au visage. T'en as plein les yeux, plein la bouche. Ça picote la rétine et ça envahit le palais. C'est dérangeant d'être ainsi plongée dans une atmosphère pesante et perturbante, et le plaisir de dévorer les lignes, comme si on en redemandait, comme si on était affamé de sensations.
Kent Meyers qui parvient à passer à autre chose. Un autre personnage. Une autre situation. Radicalement différent ? Oui, Non. Mais soudain, de la douceur, un regard plus tendre sur la noirceur. Mais la menace toujours qui plane. Meyers ne laisse de répit que parce qu'il tient la main de son lecteur tout le long de son histoire comme il permet à ses personnages de se tenir plus ou moins bien la main tout le long de leurs histoires. Sinon, pour le reste : c'est l'Amérique délaissée, désertée, de désert, de maison brûlée, de tombes abandonnées et introuvables, de parents violents, de silences qui sont des cris enfouis dans des oreillers, de la solitude, de l'incompréhension. Et de l'amour, de la tendresse, de l'envie d'aider.
Un livre avec tout ce que l'humanité porte en elle de magnifique, de doux, et d'horrible, de dur.
Kent Meyers qui te balade tranquillement sur ses phrases. Des lignes faciles à lire, à engloutir. Ça a des sonorités de polar dans le suspens qui traîne, dans l'avancée petit à petit, les éléments apportés les uns après les autres.
Et puis, là, au détour d'une phrase, on se surprend à buter sur quelque chose. Ou plutôt, c'est comme si on avait fait une petite grimpette pas trop fatigante jusqu'en haut d'une butte, une petite colline de rien du tout, et qu'arrivé en haut on s'attendait à un bête paysage légèrement plus haut que notre point de vue habituel, et qu'on tombe face à un horizon qui nous laisse bouche bée.
Parce qu'au détour de son récit qui se dévore et s'avale, Kent Meyers pose des phrases, des bouts de paragraphes, qui ont la poésie des moments vrais. La poésie qui ouvre les yeux et te montre qu'une pièce vide ne l'est jamais réellement. Kent Meyers donne de la voix aux silences dans des phrases qui sont écrites avec soin et sensibilité.
Pour autant, dans Twisted Tree, jamais de chouineries. On est émus, oui. Mais avec l’œil qui brille, la larme contenu. Tête haute. A affronter avec les personnages leurs terribles situations.
Kent Meyers donne l'impression d'avoir absolument tout compris de la nature humaine et d'avoir si bien assimilé son pays et les paysages qu'on a l'impression d'avoir de la terre qui crisse entre chaque page que l'on tourne.