L'ethnologue du Guilân nous laisse aux portes de la connaissance

Au nord de l’Iran, cette région entre montagnes de l'Alborz et rive de la Caspienne, recèle d'un grand capital symbolique dans l'imaginaire des Iraniens : elle est le lieu de villégiature préféré des Téhéranais, elle est aussi la zone de production unique du riz, du thé consommés quotidiennement dans le pays, elle est enfin une région dont l’histoire politique a été importante.
L'auteur, un universitaire qui s’est rendu régulièrement au Gilân entre 1972 et 2005 - connaît parfaitement le pays, parle sa langue, voue à la région un sentiment d’admiration sincère.


Pourtant il est incapable de nous en donner une analyse approfondie et juste.


Une obstination à marquer le particularisme guilaki
L’aspect aussi agaçant qu'infondé de la 1ere partie de l'ouvrage est la volonté systématique d’opposer les coutumes du Guilân (2.5 millions d'habitants) à celles de ce que l’auteur nomme les "Iraniens du plateau" (75 millions d'h.). Il ignore d’ailleurs presque totalement ces derniers.
Cette dichotomie n'est évidemment pas fondée : si les guilakis possèdent un dialecte, il appartient à la langue persane ; si les différences géo-climatiques existent, elles sont aisément explicables dans un pays 5 fois grand comme la France. Quant à s'appuyer sur les différences culinaires pour valoriser les Guilakis, cela ne convainc pas.


De manière factuelle, on rappellera que la région ne bénéficie pas d’une autonomie juridique, que Norouz (Nouvel an) est la fête principale de tous les Iraniens, que les fêtes chiites sont identiques, que les écoles et universités enseignent en persan... Les échanges économiques sont entièrement intégrés au pays, le tourisme de masse influence le commerce et la propreté foncière…


Il semble que l’auteur n’ait pas compris l’unité profonde de la culture iranienne. La la diversité géographique et ethnique est valorisée par les Iraniens pour le Guilân comme dans lesautres régions. Pour autant, le fait que de nombreuses blagues visent les Rashtis n’aurait pas dû conduire l’universitaire à y voir une différenciation structurelle.


Un catalogue de descriptions anecdotiques


La 2e analyse qui frappe l'esprit est l’impression de lire un guide, une encyclopédie – certes très complet- du Guilân. Par chapitres successifs, tous les plats cuisinés sont détaillés, les cultures agricoles sont décrites. Puis les habitations, les rites de passage, les superstitions, l’histoire locale. Il en va de même des fêtes.
Cela donne l’image d’un « drôle de pays » immobilisé dans des traditions agricoles, voire folklorique (on pense au chapitre sur les jeux…). Mais rien n’est dit sur la capitale Rasht (600 000 habitants) ou sur les implantations massives de villas dans le Gilân.


Quand l'auteur évoque la famille chez laquelle il se rend régulièrement, on perçoit les enjeux socio-familiaux autour des stratégies maritales. Mais cette études reste narrative et très superficielle. Aucune statistique, aucune comparaison ne vient relever la description de la famille. Ce récit de vie n'est pas généralisable.


Une absence d'analyse des dynamiques internes
Cet ouvrage rassemble dont un ensemble de faits très complets, dont l’auteur ne propose aucune analyse et ne procède à aucune hypothèse. Seul l’intéresse « l’effervescence culturelle régionale » où il projette une vision des rapports province/capitale.


De plus, l'auteur reste centré sur le Guilân et n'offre pas d'analyse comparative avec d'autres régions de l'Iran ou de territoires.
Enfin et surtout, les absences sont criantes : l’auteur s’est rendu pendant la Révolution islamique et l’installation du nouveau régime des années 80. Quel impact cette rupture historique-t-il eu sur la région ? Comment les Guilaki y ont participé, ont-ils réagi ?
Par exemple, si on s’intéresse à l’impact de guerre Iran –Irak, la seule allusion à cette question est celle à un film – au demeurant remarquable - Bashu.


entre 1975 et 2005 la population doublé en Iran puis s’est stabisi. La hausse du niveau d’éducation, l’intensification de l’agriculture, l’arrivée des moyens de télécommunications ont bouleversé le pays et donc les Guilakis.
Aucun de ces sujets fondamentaux– dont l’interaction avec le point de vue du Gīlān nous aurait éclairé– aurait été pertinent n’est traité.


La lecture de cet ouvrage est au final frustrante.

Monde_perse
4
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le 19 juil. 2017

Critique lue 678 fois

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