Avec "Un demi-siècle avec Borges", Vargas Llosa cherchait à décrire le personnage de Borges, ainsi que son style (et ce qui le rend si atypique) au travers d'interviews, de résumés de conférences et autres articles, le tout en un peu moins de cent pages.

Un format bref qui ne permet que de dessiner les contours de la personnalité de Borges, dont on apprend au final peu de choses sur la vie réelle. Il a vécu toute sa vie avec sa mère, alternant Suisse et Argentine, il a soutenu quelques régimes dictatoriaux, mais détestait la politique et il est resté toute sa vie plutôt impassible, voire mal à l'aise en voyant le succès de ses livres, et ses admirateurs.

Et c'est donc à son oeuvre que Vargas Llosa s'intéresse particulièrement, parce que Borges "manquait d'humanité" et "puait la littérature". C'est-à-dire que peu de choses lui semblaient importantes, outre la littérature, et Borges s'approprie tout pour en faire des faits littéraires, pour intellectualiser au maximum toute chose. Non pour étaler son savoir (qui semblait énorme), mais pour détacher ses histoires de la réalité, en grand opposant au réalisme littéraire. Mais aussi pour se jouer de tout le faste intellectuel, de toutes les références pointues, et son oeuvre est sans doute l'antithèse des analyses qui en sont faites. Borges ne comprenait pas pourquoi les critiques du monde entier écrivaient des commentaires complexes, en tenant trop compte de toutes les références (parfois fictives) qu'il déployait. Son but n'était pas d'intéresser une élite intellectuelle (auto-proclamée) et de plaire aux cercles littéraires parisiens, mais d'abord d'écrire pour lui-même et ses amis, et au travers de ses textes pseudo-pompeux, de critiquer justement les pratiques de ces lecteurs élitistes qui cherchent le fait intellectuel en toute chose.

Et Vargas Llosa tombe justement parfois dans cet excès qu'il décrit pourtant, bien qu'on sente toujours une passion sincère et réelle pour celui qui aura, à ses yeux, donné ses lettres de noblesse à l'espagnol en tant que langue littéraire. Certaines analyses permettent toutefois de se rendre compte de la singularité de Borges, de ses qualités rares et de son prodigieux appétit littéraire.

Au niveau de la forme, les six parties du livre finissent être redondantes, et certaines situations ou anecdotes dont répétés plusieurs fois, de même que certaines analyses, et on sent clairement que c'est plus un patchwork de textes écrits à es époques différentes sur Borges qu'un réel essai sur sa personne, voire une biographie.

Un livre à réserver aux fans de Borges, pour mieux comprendre le personnage et son style, mais qui ne pourra que rebuter ceux qui le trouvent déjà trop pompeux ou vainement intellectuel.
Floax
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste ~ Lectures 2014 ~

Créée

le 4 juil. 2014

Critique lue 147 fois

3 j'aime

2 commentaires

Floax

Écrit par

Critique lue 147 fois

3
2

D'autres avis sur Un demi-siècle avec Borges

Un demi-siècle avec Borges
Sarah_Connor
8

dernière parution du prix Nobel 2010

2010 est une heureuse année pour les amateurs francophones de Borgès, puisque La Pléiade a enfin eu l'opportunité de rééditer ses deux tomes consacrés à l'auteur. D'autre part, on apprend que le prix...

le 12 nov. 2010

1 j'aime

Du même critique

Racine carrée
Floax
5

Je ne suis pas spécialement porté sur ce genre de musique, mais en tant que Belge, il m'était difficile de passer à côté de cet album, érigé par mes compatriotes en fierté nationale. Et Stromae me...

le 29 août 2013

62 j'aime

5

La Vérité sur l'affaire Harry Quebert
Floax
3

La véritable vérité sur l'affaire Harry Quebert

Je risque d'être un peu dur avec ce roman, mais il faut me comprendre, j'en attendais beaucoup. 7.3 sur SensCritique, auréolé de nombreux prix littéraires que je pensais garants d'une certaine...

le 10 août 2013

56 j'aime

11

Grand Theft Auto V
Floax
9

Jeu Vidéo Total

Je dirais qu'il y a trois manières de noter un produit culturel : au feeling pur, partir d'une note parfaite et retrancher des points en fonction des défauts ou l'inverse. Et selon le point de vue,...

le 14 oct. 2013

55 j'aime

41