Une rébellion mortifère
Qu'il y ait quelque chose de durassien dans Un mauvais garçon, le premier livre de l'indienne Deepti Kapoor, admettons. La romancière revendique cette filiation et son style sec et répétitif fait...
le 4 janv. 2017
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"Elle " est une jeune fille orpheline de mère et abandonnée par son père. Son horizon est limité : Elle évolue coincée auprès d'Aunty, sa tante qui cherche à la marier et la traîne lors d'ennuyeuses visites de bienséance chez des voisines. A l'université, l'étau se desserre un peu mais elle n'en demeure pas moins différente des autres jeunes filles : les rêves d'amours bollywoodiennes ne la font pas rêver, les garçons l'ennuient. Sa seule joie consiste à prendre le volant et rouler sans s'interrompre dans les rues de Delhi.
Le décor est planté, elle porte en elle les attributs de l'indépendance sans pouvoir l'imaginer. Elle ignore encore qu'elle a le pouvoir de changer les choses. Sa rencontre avec lui va tout changer. Elle jolie, il est laid. ça l'excite de façon étonnante.
Il va lui donner le goût de la liberté en lui ouvrant les yeux sur toutes les facettes que Dehli offre à qui sait la regarder.
Ce roman a beaucoup été comparé avec "l'Amant" de M. Duras. On y retrouve l'initiation sexuelle d'une femme étouffée par les conventions familiales et sociales. Là encore l'homme est riche, oisif et malheureux. Du côté du style également on retrouve un ton résolument durassien.
Citation
On m'a souvent dévisagée bien, sûr ; c'est comme ça ici, c'est ce que font les hommes. Regards d'incompréhension, de luxure, de fureur, de désir triste, si vides et d'inexpressifs que c'en est tantôt
terrifiant, tantôt pathétique. Des yeux à ras les nids-de-poule, des yeux rebondissant dans la rue telles des billes, sans qu'on puisse échapper à leur petit bruit sec. Des yeux dans les restaurants, des
yeux dans les bureaux, à la fac, des yeux à la maison. Des yeux de femmes aussi, réprobateurs.
Mais la construction est plutôt confuse et certains effets de style tombent à plat. Le traitement de cette passion destructrice reste en surface avec des personnages peu attachants.
Néanmoins, il serait dommage de reléguer ce court roman dans un coin. A côté de cette histoire d'amour qui peine parfois à intéresser, se trouve la véritable héroïne de ce livre : Delhi. Delhi la vertigineuse nous est livrée dans tout ce qu'elle a de plus enivrant mais aussi de plus sordide. Les couleurs chatoyantes des saris se mêlent aux odeurs de pieds, les morts s'exposent dans les rues tandis que les trottoirs grouillent de monde sous le bruit des tempos (véhicules à 3 roues) qui roulent à toute allure. L'amant a mauvaise haleine, la tuyauterie se déglingue, les échoppes "dhaba" exhalent des odeurs de Dal, de Pakoda et de Puri qui mettent du baume au coeur. Un ascète chaman "aghori" mange les restes des défunts qui viennent d'être incinérés sous le regard de la jeune veuve aux joues mouillées et de Shiva l'omniprésente.
Instinct de vie et pulsion de mort sont intimement mêlés dans une mégapole qui ne dort jamais, où drogués, travailleurs et sans abris se côtoient sans se regarder.
A travers ce roman sensuel, Deepti Kapoor nous donne Delhi à goûter et à sentir, voir renifler. Rarement une ville n'a été dévoilée avec autant d'impudeur. Pour conclure, je dirai que la visite au coeur de la capitale indienne vaut le détour.
Créée
le 26 janv. 2016
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