Un "bullshit job" qui déménage....
J'avais déjà adoré son livre autobiographique "Tribulations d'un précaire" et c'est avec optimisme que j'ai ouvert cette fiction de Iain Levison. Et optimiste, je n'avais pas tort de l'être, car ce petit roman est un régal de lecture pointue et rafraîchissante.
Victime de la délocalisation de son usine de pièces de tracteur le manager de dépôt Jake, travailleur honnète et compétent, se retrouve comme tout un chacun dans sa ville rejeté dans la précarité, dans la solitude et dans une attente désespérée d'une issue encore plus sombre. Encore une fois Levison distille une prose cynique et acide sur la situation économique de son pays d'adoption (les USA) et va parsemer son intrigue policière de commentaires sociaux acerbes contre les cols blanc qui dans leurs salles de meeting décident de l'avenir de familles entières entre deux cafés, avec pour seul critère un taux de profit à deux chiffres. Il y a de la colère froide dans ce petit livre.
C'est d'ailleurs ce qui motive notre manager Jake à accepter de devenir un tueur pour un mafieux local. Et Levison nous propose suivre le dérapage de cet homme intelligent mais au bord du gouffre dans une dérive dangereuse qui le pousse à vouloir exercer une vengeance contre ceux qu'il tient pour responsable du désastre économique dans sa ville. je rassure tout de suite : ce qui est extraordinaire dans ce petit opus, c'est que le fond très noir de cette histoire est totalement sublimé par une écriture fine, et un humour décalé que je trouve irrésistible.
Le petit polar est en soi très bien mené, même si un peu prévisible, et les péripéties sont très amusantes (je vous laisse les découvrir). Mais c'est dans l'entremêlement du fait divers et de la critique sociale que ce petit roman fait mouche à chaque page ou presque. On sourit beaucoup, on rit parfois et on ne peut que sentir en soi monter le capital sympathie (avec beaucoup de second degré, car il y a du Walter White chez lui...) pour cet étrange tueur dont le rêve est d'ouvrir un petit magasin et de sortir du marasme économique que lui imposent les "corporate gangsters" .
Une petite perle donc, que je vous recommande !