Réunis par les hasards de la guerre dans la ville d’Almeria, derrière le ruban gris de la Sierra de los Filabres, loin des principaux fronts de 1936 et 1937, un petit groupe de combattants isolés, sous la conduite du Jefe, leader charismatique affublé d’une insolite ressemblance physique avec Mussolini, attendent sous tension l’affrontement avec les franquistes. Ils sentent avec le temps le désastre qui approche, avec l’inaction de la France et de l’Angleterre, l’engagement minimal de l’Union Soviétique et les soutiens massifs italien et allemand aux troupes franquistes.

Autour du Jefe, un gallois au nom impossible, fils d’un docker londonien, Dartmann, l’intellectuel allemand et pilote de la Luftwaffe ayant fui la dictature nazie, Marco, italien déserteur et la belle Solena, refugiée de Malaga après les bombardements, sont pris dans les feux des luttes internes du camp Républicain, et de l’épuration par les staliniens des partisans libertaires et du POUM.

Visiblement, David M. Thomas sait de quoi il parle. D’une grande rigueur pour nous raconter cette tranche de la guerre d’Espagne, son récit est un feu d’artifice d’autant plus brillant que le français n’est pas sa langue maternelle : Le tourbillon émotionnel de la narration, les dialogues ou monologues d’un souffle extraordinaire donnent corps et humanité à ces personnages aux origines multiples, qui décident, qui luttent et qui aiment, dans un roman qui rend un très bel hommage à la liberté et à l’insoumission.

« Bueno… Au début, il a tiré sur nous deux mais Marco m’a dit de descendre de cheval et d’aller me cacher derrière un olivier. C’était la seule chose qui poussait dans la plaine. Alors c’était lui et son cheval contre l’avion et le pilote. L’avion est revenu, Marco a pris le fusil et il a tiré sur l’avion mais lui avec un fusil… c’était plutôt pour se faire l’unique cible, pour attirer le feu du pilote sur lui. Il a remis le fusil dans la fonte et il s’est fié à son talent de cavalier. L’avion est venu en ligne droite sur lui. Je le voyais déjà mort parce qu’un homme et un cheval contre un appareil si puissant et si rapide… Marco fait une feinte à droite, le pilote se rajuste et tire mais la Teresina est déjà repartie vers la gauche et les balles tftftftf passent à quelques mètres de la queue du cheval. Ce n’est que maintenant que je peux admirer tout ça mais je n’étais pas à l’arène des taureaux, j’étais cachée derrière cet olivier et j’avais tellement peur, pour moi d’abord et pour lui aussi. Et ça a continué comme ça, comme une partie de tauromachie, feintes et passes, les balles qui éclaboussaient la terre tftftftf, combien de fois je ne sais plus, et le pilote qui, à chaque fois qu’il ratait son coup, s’énervait dix fois plus, vraiment c’était quelque chose à voir, je vous assure. L’entente parfaite entre homme et cheval, c’était comme s’ils ne faisaient plus qu’un, une seule âme. »
MarianneL
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le 25 mai 2013

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Quelques longueurs et une certaine exigence (mieux vaut connaitre la guerre d'Espagne avant de se lancer dans la lecture), mais un roman puissant et un style de haute volée.

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