"Une année qui commence bien" de Dominique Noguez n'est pas un roman, mais le récit du début d'une passion pour un jeune homme. A l'époque, fin 1993, il n'était pas encore l'écrivain reconnu qu'il est aujourd'hui mais était bien introduit dans le milieu littéraire, passant d'un dîner avec Michel Houellebecq (lui aussi en voie de reconnaissance) à un colloque de la société des gens de Lettres avec Dominique Desanti. C'est lors d'une de ces conférences qu'il croise Cyril, jeune homme blond assorti d'une grande beauté, amateur de culture bien que banquier de son état (mais je ne doute pas que la finance emploie aussi plein de gens cultivés, il faut bien se détendre entre deux transactions juteuses pour fonds de pension). Il sera immédiatement attiré, séduit par cet éphèbe et va nouer avec lui une relation compliquée. Autant l'auteur est complètement amoureux de cet homme qu'il considère comme un cadeau inespéré de la vie, autant l'objet de son amour va jouer avec lui un jeu épuisant, se laissant approcher tout en se dérobant. Manipulateur, il jouera avec le coeur de Dominique Noguez, alternant le chaud et le froid (plus souvent le froid). Entre mensonges, perfidie, coups foireux et mauvaise foi, le beau Cyril obsédera l'auteur jusqu'à la souffrance. Obscur objet d'un désir rarement assouvi, les contacts physiques seront rares, accordés avec parcimonie. Lorsque qu'enfin l'auteur touchera une épaule nue, puis caressera un torse, il en sera heureux et victorieux mais également extrêmement frustré.
"Une année qui commence bien " est le récit des premiers moments de cette passion cahotique et presque à sens unique. Consignée de façon précise, n'évitant aucun détail intime, aucune pensée, aucun désir, ce n'est pourtant pas impudique, seulement touchant et passionnant. Ca ne ressemble en rien à un de ces romans autobiographiques secs et froids à la Christine Angot, ni à un déballage sexuel à la Catherine Millet , encore moins un texte âpre et hard à la Guillaume Dustan. C'est surtout un récit exigeant et aux multiples facettes. Pour moi, Dominique Noguez joue sur plusieurs tableaux :
Celui de la littérature tout d'abord. Son amour pour ce jeune homme rappelle bon nombre de romans classiques du 19ème. Malgré les voyages lointains, la modernité, l'homosexualité et des corps beaucoup plus libres, les affres et les tourments de la passion sont les mêmes que chez Stendhal ou Balzac.
Celui de l'introspection ensuite, car cette confession, vrai coming-out pour l'auteur, est l'occasion de s'interroger sur ce passage à l'acte pas si anodin pour quelqu'un d'assez secret jusque là quant à vie sexuelle. C'est courageux mais surtout touchant et sensible.
Celui, enfin, d'une description en creux du milieu littéraire parisien.
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le 24 nov. 2013

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