L'intérêt et la richesse d'un livre ne dépendent définitivement pas de son épaisseur. Si vous en doutez encore, lisez Une bête aux aguets.


Comment réussir à mettre autant de choses dans un roman en si peu de pages ? Ce genre d'exploit me fascine.
Dans ce livre en particulier, cela tient, je crois, en la manière dont Florence Seyvos suggère beaucoup plus de choses qu'elle n'en explicite. Tout ici est affaire de sensation, d'impression, de perception. La vérité que l'on peut se faire d'Une bête aux aguets réside entre ses lignes, dans ce que son propos étonnant extirpe de nous.


Une partie de la quatrième de couverture parle d'une "inquiétante étrangeté". Je reprends ces mots, impossible de dire mieux. Oui, dès les fascinantes premières pages du roman, un sentiment diffus d'anxiété s'installe, mêlé de quelque chose de plus insaisissable encore, qui tutoie les frontières mouvantes du fantastique.
Que les rétifs à l'extraordinaire se rassurent : si Florence Seyvos joue de loin avec les codes du genre, c'est pour mieux aborder des sujets foncièrement quotidiens, profondément humains.


Et c'est là que, pour le chroniqueur, naît la difficulté. Qu'écrire de plus, sans risquer l'injure du dévoilement intempestif ?
En restant aussi évasif que possible, je dirais qu'Une bête aux aguets parle comme rarement d'adolescence, de découverte de soi (physique autant que psychique), mais aussi du désir, de la passion, de l'attraction sidérante des corps et des âmes, mais encore de la relation filiale...


Tout ceci, je le répète, en 144 pages, et sans jamais verser dans la démonstration pataude ni la psychologie grossière.
Au contraire, le propos reste à distance, caché derrière le point de vue déphasé de la narratrice, à l'abri des étranges péripéties qui, mine de rien, la font avancer sur le chemin de l'existence. Il reste à la merci du lecteur, libre de s'en emparer à sa manière et de le modeler à sa guise, d'y puiser ce qu'il y cherche sans même s'en rendre compte.


Je n'ai au sujet de ce roman qu'une seule certitude : celle d'avoir besoin de le relire, très vite, pour tenter d'en saisir davantage - sans pour autant le dépouiller de son inquiétante étrangeté, qui est sa force et sa splendeur.

ElliottSyndrome
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le 19 août 2020

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