Aurélien Scholl est un écrivain et nouvelliste français du XIXème siècle plutôt méconnu du public. J'ai pourtant eu grand plaisir à découvrir son style à travers "Une chinoise", une nouvelle très noire qui retrace le drame social vécu par une jeune expatriée contrainte de se prostituer pour survivre, comme un certain nombre de malheureuses de cette époque (seulement de cette époque ou serait-ce encore, hélas, un sujet d’actualité ?).
Toulon, XIXème siècle. Une jeune Chinoise déjà bien éprouvée par le destin débarque en France ; elle n'a aucun avenir et doit "exercer la galanterie" pour survivre. Pas même belle, elle ne possède comme véritable "valeur marchande" que son exotisme, argument propre à exciter une société bourgeoise qui s'enivre du parfum des expositions universelles.
C'est sans aucun romanesque mais avec un crudité tristement vraisemblable qu'Aurélien Scholl déroule son récit, celui de cette femme livrée en pâture aux appétits et aux fantasmes des hommes. Engagée dans une maison de tolérance à Draguignan, la "Chinoise" devient bien malgré elle l'objet de désir d'une horde de 600 représentants sénatoriaux réunis à l'occasion d'une élection départementale.
La femme, ravalée ici à sa plus misérable condition, succombera sous les coups de boutoirs d'une société faite par les hommes et pour les hommes et où la misogynie se fait barbarie, même à l'aube du XXème siècle. Sous la noirceur de cette histoire luit pourtant une étincelle d'espoir, alimentée par le simple fait qu'elle soit contée par un homme. Avare en métaphores, cette nouvelle est traitée de manière factuelle - son auteur était avant tout journaliste - et je ne peux m'empêcher d'y voir la volonté de l'auteur d'en faire un témoignage sociétal à part entière.