L’enfer est pavé de bonnes intentions. Et justement, en parlant de pavés, il y en avait un sacrément beau paquet, cette année, au pied (meurtri) du sapin de No_Hell : à croire que tout le monde s’était donné le mot, estimant sans doute qu’un best-seller était le cadeau idéal à offrir à une pauvre infirme censément obligée de passer les fêtes au coin du feu. Parmi ces quelques briques plus ou moins digestes figurait le dernier roman de Ken Follet, troisième volet de la trilogie de Kingsbridge.
Il faut l’avouer, j’ai commencé ma lecture avec plus de circonspection que d’enthousiasme. Si Les Piliers de la terre m’avaient plutôt emballée, Un monde sans fin m’avait semblé une resucée plutôt fadasse et sans grande inspiration, calquée en tous points sur l’histoire précédente, si bien que je me demandais avec appréhension si Ken Follett serait capable de ranimer dans ce nouveau récit le souffle épique qui caractérisait l’épopée des bâtisseurs de cathédrales.
Une Colonne de feu nous transporte dans l’Europe du XVIe siècle, en choisissant comme angle d’attaque le thème des guerres de religion. De l’Angleterre à l’Espagne – voire au Nouveau-Monde, en passant par la France et les Pays-Bas, ce roman vous donnera l’occasion de vous remémorer les principaux événements liés à cette époque tourmentée. Encore que si c’est là votre seul intérêt, se farcir les 900 et quelques pages du bouquin, c’est tout de même investir beaucoup de temps alors que deux ou trois articles sur Wikipédia ne vous en apprendraient guère moins. Car si globalement, le roman manifeste une assez bonne connaissance de l’époque décrite – le contraire serait fâcheux, vu la flopée de conseillers mentionnés par l’auteur à la fin du roman – la peinture qu’il nous en livre demeure superficielle et n’arrive à dresser des personnages historiques qu’un portrait parcellaire, exagérément romanesque et plutôt manichéen. Ajoutons que nombre d’informations sur l’époque nous sont livrées au cours de longues et fastidieuses digressions dans lesquelles j’ai eu parfois l’impression que l’auteur avait tendance à considérer que ses lecteurs étaient de parfaits incultes (Ah oui, vous ne saviez pas ? En découvrant les Amériques, les premiers explorateurs croyaient être parvenus aux Indes ! Rien que ça ! C’est fou, hein ?) Ces parenthèses auxquelles s’ajoutent des descriptions pas toujours très digestes ont le don de ralentir une intrigue qui me paraissait déjà bien effilochée.
Pourtant, l’histoire commençait bien : deux tourtereaux au caractère bien trempé, une idylle contrariée par les ambitions sociales du père de la demoiselle, le tout à l’ombre familière de la cathédrale de Kingsbridge. Un canevas somme toute assez classique mais qui laissait augurer une intrigue plaisante. Las, sitôt mise en place cette aventure amoureuse, on la perd de vue pendant 300 pages, tandis qu’apparaissent d’autres personnages pour lesquels on éprouve peu d’empathie, au point que finalement, on se passionne peu pour ce qu’ils vivent. De manière générale, les caractères manquent cruellement de nuances et même les principaux protagonistes sont dépeints de manière tellement superficielle qu’ils paraissent vains ou puérils. Quant au rythme du récit, il souffre de l’accumulation de dialogues assez plats, de conversations anodines, de descriptions ou digressions plutôt lourdes, de répétitions incessantes auxquels succèdent des résumés lapidaires qui expédient parfois en quelques lignes des éléments essentiels de l’intrigue. Reste le style, qui, reconnaissons-le, n’a jamais été le point fort des romans de Follet. Et même si on n’attend pas nécessairement d’un récit historique une qualité d’écriture remarquable, il faut bien avouer que des phrases telles que : "c’était à l’agilité de son navire agile qu’ils devaient la victoire" ont de quoi laisser pantois !
Ainsi, comme vous l’aurez compris, mes craintes de départ se sont hélas confirmées au cours de ma lecture. Je n’irai pas jusqu’à affirmer qu’il s’agit là d’une vraie déconvenue, car de moi-même je n’aurais sans doute pas eu l’idée de choisir ce roman, vu la relative déception que j’avais éprouvée avec Un monde sans fin. Finalement, je me dis que les parfums et les bouquins, c’est pas ce qu’il y a de plus évident à offrir comme cadeau de fin d’année. Mais vu le manque d’équilibre qui me caractérise en ce moment, il ne me viendrait jamais à l’idée de reprocher à quiconque un faux pas !