Cette couverture fort attrayante où se marient or, violet et rose pourrait vous amener à penser qu'il s'agit là d'une joyeuse aventure toute en couleurs à la limite "fifille". Détrompez-vous! Cette histoire où se mêle folklore nautique, malédictions et lieux glauques a plus en commun avec les récits d'épouvante que les contes magiques.


Une archipel d'îles au noms tous plus sinistres les uns que les autres sont le théâtre d'évènements mystérieux et glaçants, où des vies ont été prises pour que d'autres soient sauvées. De l'une de ses histoires nait une fille dotée de pouvoirs et ceux-ci, à travers des objets, se retrouveront entre les mains de trois jeunes filles, les turbulentes et indomptables sœurs Widdershins. Si les sœurs se montrent ravies d'acquérir ses objets qui se lèguent depuis des générations aux femmes de la famille, c'est pour mieux apprendre par la suite qu'elle ne peuvent quitter l'Île où elles vivent. Elles sont maudites et si d'aventure elles venaient à quitter Crowstone, elles en mourraient à l'aube du jour suivant, sous les cris des corbeaux qui hanteraient leur esprit et le froid qui viendrait les recouvrir tel un funeste linceul. Comme neuf autres femmes de leur famille. Une malédiction qui semble liée à cette tour-prison constituée de cairns de laquelle une femme s'est jetée, un siècle plus tôt. Betty, la cadette, refuse de se résigner. S'il existe un moyen de briser la malédiction, elle le trouvera, quitte a faire évader un prisonnier de la prison de Crowstone, s'acoquiner avec un ancien gardien qui a autant de talent pour la descente de bouteilles que pour narrer des histoires, et partir de de périlleuses expéditions qui la mettra, elle et ses sœurs, en danger de mort.


En somme, ça n'a rien de joyeux, même s'il y a un certain humour dans le tempérament des soeurs. Mais c'était passionnant! Une prison terrifiante à la Alcatraz, un île peuplée de gens douteux et superstitieux, des récits glaçants de feux follets, de fantômes de mers et d'épaves, je me serai presque crue dans une version enfantine de "Pirates des caraïbes", mais sans les pirates. La même atmosphère sinistre, les mêmes mystères aquatiques et la même racaille humaine.


C'est une histoire de malédiction, bien sur ( c'est écrit sur la couverture, franchement!), mais aussi une histoire de trahison, de vengeance, de famille, de mystères, de cruauté humaine et de sororité. Bien que sur ce dernière thème, nous suivons davantage Betty, la cadette, que Fliss l'aînée et Charlie la benjamine, mais tout est liée entre elles. Le tout est bien monté et l'action de ne tarie pas une fois lancée. Certains moments étaient assez angoissants et d'autres révoltants. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'elles en auront bavé ces trois jeunes filles.


Sur les trois objets magiques en présence, j'ai un peu boudé le miroir, tout droit sorti de "la belle et la bête", mais j'aimais bien l'idée des poupées russes, même si son pouvoir aussi est assez conventionnel dans l'univers de la magie.


L'histoire de Sorsha Spellthorne était particulièrement touchante, surtout l'histoire de son arrivé avec sa mère. Quand elle a évoqué le lieu d'où elle venait, là où les femmes "n'ont pas de voix, pas de pouvoir ni même de nom", je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir une pensée pour toutes ses femmes de par le monde qui sont dans cette situation et qui fuit la violence des hommes. Une ironie, quand on apprend ce qui arrive à Sorsha par la suite. La plus grande folie des hommes est bien souvent le fruit de sa profonde ignorance.


Il y a plusieurs éléments intéressant dans cette histoire. La prison m'évoque ces anciennes prisons sordides où les humains étaient traités comme des bêtes, vivant dans des conditions misérables et terrifiantes. L'histoire de Sorsha évoque l'époque des sorcières et de l'Inquisition en Europe. La tour me fait penser à un mélange entre la Tour de Londres et ces routes faites de pierre tombales juives créées par les nazis pour les déshumaniser. On sens la présence de certains pans très noirs de l'Histoire dans ce roman à la couverture si paradoxalement pimpante. L'eau, par ailleurs, est un élément assez sinistre dans cette histoire.


Il y a donc beaucoup de positif dans ce roman : un bon rythme presque angoissant, des personnages en nuances, des filles courageuses qui ont souvent des répliques corsés, de belles leçons, notamment sur le pardon, la reconnaissance, l'empathie, la solidarité et la notion de Justice. On n'a pas le temps de s'ennuyer. Des romans comme celui-là, j'en connais peu, à dire vrai, alors ça me semble également rafraichissant.


Ce gros premier tome de trilogie fait 350 pages, alors c'est une bonne lecture destinée aux lecteurs de troisième cycle primaire (10-12 ans).


P.S J'aurais aimé qu,il y eut une carte des îles.

Shaynning

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