22 janvier 1993 (le jour de mes 18 ans !). Nirvana donne son unique concert brésilien au stade Morumbi de Sao Paulo devant 80 000 personnes, une prestation que Kurt Cobain qualifiera par la suite de « pire concert de la carrière de Nirvana ». Bien décidé à assister à l’événement avec sa petite amie Valéria, le narrateur se demande s’il doit ou non s’enfuir de la caserne où il effectue son service militaire. Une décision pas si évidente que cela à prendre et qui, même s’il ne le sait pas encore, aura une influence considérable sur son avenir. Vingt ans plus tard, se retournant sur ce jour particulier, il constate à quel point son choix a pu être lourd de conséquences.
Entremêlant sa propre histoire à celles de Kurt Cobain et d’une rwandaise survivante du génocide dans une forme d’autofiction aussi épurée que maîtrisée, Michel Laub déroule une gamme de sentiments où la douleur le dispute au regret. Ce faisant, il constate à quel point un destin se joue à peu de choses, à quel point des empreintes peuvent rester indélébiles malgré la fuite du temps.
Le récit passe du témoignage de la rwandaise au séjour londonien du narrateur, d’une méditation sur les raisons du suicide de Kurt Cobain à la trajectoire d’un gradé sauvé de l’alcoolisme par la bible et bien évidemment par ce fameux 22 janvier 1993. Cent chapitres en cent trente pages, comme autant de petits cailloux posés sur un chemin de prime abord sinueux mais au final d’une imparable limpidité. Avec comme pierre angulaire de l’existence passée et à venir une histoire d’amour brûlante et torturée comme un solo de guitare électrique.
Entre la chronique et le journal intime, ce court texte à la construction ambitieuse allie pudeur et profondeur de réflexion. Une confession tout en introspection qui pousse le lecteur à s’interroger sur sa propre condition.