Une terre d'ombre par Au vrai chic littérère

Il y a des auteurs autour desquels on tourne un moment avant d’oser plonger dans leur lecture. C’est le cas de Ron Rash dont j’ai découvert l’existence dans La grande librairie, il y a quelques mois.


J’y suis finalement venu au terme d’un processus qui me mena, auparavant, à lire et apprécier des ouvrages de Bill Bryson Promenons-nous dans les bois, Glendon Swarthout Bénis soient les enfants et les bêtes et Le tireur, Dan O’Brien Wild Idea ou encore Carson McCullers The ballad of the sad cafe. Des romans assez différents mais qui se situent au cœur des Etats-Unis dans des coins oubliés, habités par des personnages que j’ai assez peu rencontré au fil de mes lectures.


Là-dessus je tombe sur un recueil de nouvelles de Ron Rash Incandescences dont je lis rapidement deux courtes histoires qui me séduisent et m’amènent à vouloir essayer une œuvre plus charpentée, Une terre d’ombre, donc.


Vous dire d’emblée que le prologue vous harponne au terme de ses quatre pages. Mais que l’énigme qu’il pose est loin de faire l’intérêt de ce qui va suivre et dont voici un bref résumé.


1918, Caroline du Nord. Au cœur des Appalaches, au fond d’un vallon que la lumière du soleil réchauffe rarement vivent Laurel, une jeune femme ostracisée pour arborer une tache de naissance sur le cou et que l’on dit un peu sorcière, et son frère Hank, tout juste revenu du front, en Europe, où il a laissé un bras. Ces deux-là triment pour survivre et remettre en état la ferme familiale.


A quelques dizaines de kilomètres de là, une nuit, un prisonnier s’évade.


Voilà.


A partir de ces deux situations Ron Rash va dérouler le fil de son intrigue, d’abord sur un rythme très lent qui privilégie la description des paysages, des relations au sein de la communauté et manie les métaphores pour révéler la fin d’un monde (la disparition des derniers perroquets de Caroline).


Les personnages, taiseux, se révèlent, par leur bienveillance, très attachants. L’écriture toute en pudeur de Rash, sans effets de style appuyés, suggère plus qu’elle ne décrit et laisse une grande part d’interprétation au lecteur.


Au deuxième tiers du roman, une révélation née d’un simple détail vient précipiter le cours de l’histoire et dès lors la tension narrative s’emballe pour ne plus jamais faiblir. L’inexorable mécanique de la tragédie est en place et rien ne pourra l’interrompre !
Ron Rash a écrit là une œuvre aux accents steinbeckien, décrivant de façon juste et retenue la vie de simples gens, qui, à l’instar de Lenny et George des Souris et des hommes, voient la grande Histoire venir bouleverser la leur, de façon tragique et inexorable.

Créée

le 14 avr. 2017

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