Quelle lecture… Etty (je ne peux pas l’appeler autrement, elle m’a semblé si proche de moi) traverse la Seconde Guerre Mondiale à Amsterdam, et scrute les « vastes et libres prairies de son cœur », de phases de désespoir en ressaisissement. Paradoxalement, c’est en étant prise en étau dans l’infernal destin que le nazisme a échafaudé pour la communauté juive, qu’elle trouve en elle la sérénité et la force.
La portée d’Etty sur ses lecteurs est incroyable, parce qu’elle lui livre ses enseignements en situation : ça n’est pas un mysticisme hors sol, ou une philosophie de vie théorisée dans un boudoir feutré… au contraire, c’est parce qu’elle est embarquée dans un Holocauste inimaginable, qu’elle trouve dans l’absurdité de la situation, la certitude que la vie est belle et riche de sens.
Son journal comme ses lettres du camp de transit sont des documents extraordinaires, d’une bonté et d’une sagesse incroyables. Lire le journal d’Etty, c’est devenir témoin de la floraison dans l’adversité, c’est s’armer spirituellement et s’émerveiller malgré tout, c’est recevoir un témoignage de foi brute et solaire, qui mêle l’humanisme de l’enseignement chrétien, avec les sagesses orientales et la tradition juive. Une vie bouleversée soulage et guérit. Quant à ces lettres, elles sont un témoignage expressif, à la fois drôle, spirituel et poignant, sur la vie de déportés néerlandais dans un camp de transit nazi. Le même camp qui aura accueilli brièvement la jeune Anne Frank.
Comme elle le dit elle-même, au fond d’elle couve « un atelier où des Titans reforgent le monde » : qui sait les chefs-d’oeuvre qu’elle aurait pu nous offrir, si elle n’avait pas été déportée à Auschwitz.