«Après ceux du troisième et la sœur à Christian, c’est maintenant au tour de ma fille de connaître les effets de la crise financière et économique. Sommes-nous à la veille d’un krach analogue à celui de 1929 ?

Prenant la forme d’une interview entre deux anonymes, dont le sujet est l’économie, les effets de la mondialisation sur des individus que tout cela dépasse, «United Emmerdements of Coût de la Main d’Œuvre», première partie de ce livre, agglutine des formes de langage, formules économiques creuses, jargon technocratique repris dans les medias, chiffres et statistiques, formules publicitaires, langue de bois et propos de café du commerce.

«Parlons justement de ceux qui se trouvent dans la région Centre. Les effets de la mondialisation heurtent aujourd’hui ceux qui veulent rester dans des bleds comme Sancoins, Vierzon ou même Issoudun. Une boîte où tu peux même plus être sûr que tu s’ras là en septembre peut-elle répondre à cette inquiétude ?»

Avec cet ovni littéraire, ni roman ni essai, Jean-Charles Massera nous livre une illustration à la fois hilarante et désespérante du devenir d’un individu devenu anonyme, broyé par un système qui le dépasse totalement, déjà soit chômeur ou chômeur en devenir. Ce texte indispensable est l’illustration géniale d’un monde où l’on nous sert des phrases toutes faites, pour nous faire avaler la cruauté du système, noyée sous les mots de ce langage d’experts qui par moments se répète à l’instar des motifs d’un papier peint.

«La politique de pression exercée sur des mecs comme Francis sera déterminée en fonction du niveau de ses résultats calculés sur une période de trois mois, à compter des 45 jours nécessaires pour se remettre de la façon dont ils ont viré le Francis en question, et de sa capacité à reprendre les dossiers qui, ça c’est vrai, n’étaient ni faits ni à faire. Elle respectera les peurs que l’on peut observer chez ceux qui restent persuadés qu’aujourd’hui c’est Francis mais demain ce s’ra nous. Une boite où tu peux même plus être sûr que tu s’ras la en septembre, et qui n’est actionnaire de son réseau de distribution d’ustensiles que t’achètes pour trois fois rien dans les boutiques où tu peux trouver un service à thé pour 20 balles qu’à hauteur de 13%, est attachée à l’exemple de c’qu’est arrivé à un mec comme Francis.»

Dans les textes suivants sous le titre « United Emmerdements of New Order », Jean-Charles Massera utilise et détourne encore le langage, des juristes, de l’administration et des hommes politiques, toujours entremêlé avec celui du commerçant du coin, pour mettre sous nos yeux la violence légale toute kafkaïenne de notre société.

Un choc nécessaire et une jubilation.
MarianneL
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le 5 juil. 2013

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