Je ne crois offenser personne en affirmant que Verner von Heidenstam est aussi étranger aux lecteurs français que la gastronomie l'est aux Suédois. Toutefois, il est plus facile aujourd'hui à un Français de subir l'épreuve douloureuse de la "cuisine" suédoise que de mettre la main sur un livre de Heidenstam, auteur suédois nobelisé en 1916. La vie et la littérature sont décidément pleines de mystère...


Si je me permets d'être aussi ironique vis-à-vis de nos amis les Suédois c'est que je les connais bien, séjournant régulièrement dans ce pays depuis des années, et l'aimant avec ferveur ; les Suédois sont globalement gens de bon sens et dotés de belles qualités mais d'avoir créé Ikea ne les autorisera jamais à ériger le smörgås en mets de gourmet. Heureusement, côté lettres, le pays a compté et compte encore de belles plumes, à commencer par Selma Lagerlöf. Justement, en parlant de la maman de Nils, il se trouve que Heidenstam, son contemporain, a lui aussi été mandaté pour écrire un "roman scolaire", ce fut "Suédois et leurs chefs" paru en 1908. Bon, contrairement au "Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède", le sien n'obtint pas le succès escompté mais ce fut peut-être en l'écrivant qu'il eut l'idée de cette nouvelle au nom barbare : "Ura-Kaipa".


De barbares, il est justement question dans ce récit qui se veut nouvelle mais qui ressemble davantage à un mythe fondateur. le lecteur suppose que le décor est celui de la Suède primitive - en tout cas, il y a de la neige, beaucoup de neige, et des élans, beaucoup d'élans. Comme je le disais en introduction, il est à peu près impossible de mettre la main sur un texte de Heidenstam, j'ai donc dû fouiller Gallica pour dénicher "Ura-Kaipa". Quelque part dans la transition entre paléolithique et néolithique, il s'agit d'une histoire de rites et d'amitié ; terreau de l'émergence d'une société, d'une religion, d'une organisation du travail et d'une première hiérarchisation des peuples.


Très "nature-writing" avant l'heure, le lyrisme lié à la nature découvre le poète derrière l'écrivain car, oui, Heidenstam fut d'abord un poète. L'amitié entre le chef Ura-Kaipa, le chasseur, et Karilas, le semeur, est une élégie pleine de sentiment qui va bien au-delà du conte. L'écriture est académique, si tant est qu'on puisse en juger sur la base d'une traduction.


Un récit court et dépaysant qui fait voyager dans le temps et l'espace et qui aurait pu constituer un bel hors-d'oeuvre si seulement il était possible de mettre la main sur le plat principal...

Gwen21
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le 9 nov. 2020

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