Autant j’aime beaucoup d’habitude les aventures très sombres et obscènes qu’invente Ardem, autant celle-ci me déçoit. Ce que j’aime chez Ardem, c’est qu’au travers d’une histoire crapoteuse, des dialogues monstrueusement vulgaires et avilissants, il parvienne pourtant à la raconter de manière presque réaliste, avec en tout cas un certain brio et une imagination incroyable. Ses histoires sont énormes, irréelles et pourtant, grâce à une maîtrise du récit, des dialogues très violents, mais finalement crédibles ou des pensées mises en cartouche qui dynamisent, la lecture reste vivante de bout en bout.


Le lecteur est témoin direct des scènes qui deviennent de facto très réalistes, malgré les rapports pour le moins pervers entre les personnages, en dépit également des dialogues qui dérivent très souvent vers une obscénité de plus en plus violente. Ardem réussit à mettre de la chair dans son récit. Comme c’est si souvent bien foutu, quand j’ouvre une bédé de cet auteur, je m’attends donc à être épaté par la capacité du scénario à rester en équilibre sur le fin d’une histoire incroyable, mais « vraie ».


Or, avec cet album, je suis très déçu par l’absence d’assise scénaristique. D’entrée, Ardem nous fait un petit résumé des déboires amoureux de l’héroïne, Flo. Il l’expédie très vite pour prétexte à une certaine lassitude du personnage, un état de désillusion qui pourrait expliquer cet abandon auquel elle se livre très vite avec son nouveau patron.


Trop vite, à mon goût : la descente psychologique du personnage est balayée en quelques cases. La montée de tension n’est pas maîtrisée. Si l’on a toutefois un temps de présentation d’un personnage secondaire et quelques cases d’explications, de fait la mise en place des scènes érotiques arrive beaucoup trop tôt.


Et leur intensité est déjà très élevée avec ce patron abusif. Au contraire, après ces premières planches, Flo passe à des péripéties qui me semblent orchestrées sans véritables liens avec le début de l’histoire.


Bref, il n’y a pas une grande fluidité entre les scénettes. Les transitions sont abruptes, exécutées à la va-vite. On a le sentiment, en suivant cette trame (une des premières d’Ardem, je crois), que la bédé a été écrite trop précipitamment. La cohérence de l’ensemble laisse à désirer.


Dès lors, difficile de rester happé par l’histoire qui perd progressivement en intensité.
Le dessin n’est pas aussi achevé qu’à l’habitude non plus. Il est encore bon, entendons nous, mais pas autant que sur les travaux suivants d’Ardem. Le style de ce dessinateur est facilement identifiable par sa rondeur sa précision, ses détails, mais il n’est pas encore à son optimum de rigueur et de réalisme.


Un Ardem moyen, c’est assez rare pour le signaler.
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Alligator
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le 3 sept. 2018

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