Avec son second roman (après L'Obsession en 2013), le journaliste d'investigation américain James Renner nous livre un récit de haut vol.
Tout d'abord, je dois préciser que je ne vais pas être impartiale dans ma critique. En effet, quand on vous annonce d'emblée que l'auteur a repris des titres d'épisodes de La Quatrième Dimension pour ses parties et chapitres, on se demande si l'écrivain va nous livrer une critique de la société en utilisant les codes de la SF et du fantastique. Bon, j'étais déjà conquise dès les premières lignes.
Les premiers chapitres relatant l'histoire de Jack Felter, professeur d'histoire, qui retourne dans sa ville natale "pleine de secret", on s'attend à un banal thriller où le protagoniste va devoir se dépêtrer d'un passé assez merdique. Tout faux !
On tient plutôt là un récit où les intrigues semblent se multiplier et nous entraînent dans un périple ahurissant. En prenant comme base le conspirationnisme à grande échelle, James Renner opère un revirement à 90° et fait de son thriller un roman fantastique délirant entre X-Files et Lost (références citées en quatrième de couverture et pour une fois on ne se fout pas de notre gueule). Mais l'auteur va bien plus loin en interrogeant l'Histoire elle-même, n'hésitant pas à inclure des éléments complètement barrés à son récit (collecte d'objets nazis, bases secrètes, expériences troubles et contrôle mental, légendes urbaines, etc.). Grâce à la paranoïa qui émane de chacun des personnages (plutôt attachants soit dit en passant), on plonge directement dans cet univers riche, déroutant (il faut parfois s'accrocher), qui nous manipule nous aussi progressivement. Et on s'amuse devant les multiples clins d'œil qui nous rappelle de grandes séries télévisées.
Mais derrière les multiples références aux pensées conspiratrices (le plus souvent délirantes mais intéressantes), cet ouvrage souligne l'importance du devoir de mémoire au sein de notre société. En exploitant les thèmes de la folie (réelle ou non), de l'individualisme et de la cupidité latente de notre société, ainsi que du droit à l'oubli, l'écrivain parvient à nous livrer un ovni littéraire qui nous fait perdre la notion du temps. Sans jamais tomber complètement dans la diatribe moralisatrice grâce à une plume ingénieuse, le romancier nous interroge sur des notions très fortes telles que le totalitarisme, le conspirationnisme et le révisionnisme. Et si la pensée est ici poussée à son paroxysme, la résonance avec notre actualité est bien réelle : à l'ère du tout virtuel, ne vivons-nous pas dans un rêve fabriqué ? Notre mémoire est-elle vraiment fiable ?
Comme le dit l'un des personnages du récit :
C’était à la fois perturbant et excitant de prendre conscience que ce que nous savons de la vérité dépend de l’honnêteté des générations précédentes et des entreprises qui écrivent les livres d’histoire.
Certes, l'intrigue est parfois si alambiquée que l'on pourrait qualifier ce roman de too much, mais il reste un coup de cœur qui interroge, perturbe, parfois fait sourire ou carrément flipper, et que je vais garder précieusement.
PS : Si tu es déjà un peu parano, ne lis pas ce roman. Tu seras un peu moins à l'aise à l'idée de te servir un verre d'eau.