J'ai longtemps résisté à ces voyages en sol incertain de Matthieu Duperrex comme pour m'endiguer du charroi primal d'une transformation du monde qui ne me concernait pas, pensé-je. Mais la transformation des mondes nous concerne tous !


Dans ce livre envoûtant, Duperrex nous transporte dans ses bagages, d'un voyage géologique l'autre, d'une balade d'un delta à l'autre, du Mississippi au Rhône, théâtres des mêmes transformations du monde. Entre essai et poésie, Duperrex nous amène au ras du sol, pour nous montrer à la fois le combat perdu des êtres vivants, et l'incroyable prise industrielle dont nous nous servons pour démolir le monde. Il nous montre le charroi de la transformation, les pollutions visibles et invisibles, la puissance de la dérégulation que nous imposons au monde. Comme Tsing ou Morizot, il souligne l'impossibilité de notre déprise, tant notre intervention est profonde. Derrière ces territoires subjugués qui s'envasent, s'ensalent, disparaissent... nous façonnons des technosols, nous endiguons la "nature", nous démantelons la "balance des forces". Nous voilà face à des mondes que nous n'avons pas su apprécier, avec lesquels nous n'avons pas su composer... Que nous n'avons su que défaire, décomposer... Et que nulle nostalgie ne ramènera. Quand bien même nous souillerions nos chaussures, les colorants de boue... Pour croire que nous pouvons entrer encore en relation avec "la texture du monde". Magique et poétique !

hubertguillaud
7
Écrit par

Créée

le 11 janv. 2020

Critique lue 56 fois

hubertguillaud

Écrit par

Critique lue 56 fois

Du même critique

Samuel
hubertguillaud
10

Emballant !

D'une simplicité incroyable, d'un trait épuré, Emilie Tronche nous embarque dans la prime adolescence avec une série absolument excellente, faite de petits instants, de regards, de réflexions sur...

le 12 mars 2024

54 j'aime

Homo deus
hubertguillaud
2

La technologie, une religion qui s'auto-réalise

Sapiens, le précédent livre de Yuval Harari, cette grande fresque de l’humanité a permis à des millions de lecteurs de se sentir intelligents, de comprendre notre aventure humaine sur plus de 300 000...

le 29 août 2017

33 j'aime

14

The Irishman
hubertguillaud
2

Du cinéma naphtaline !

Scorsese reste un grand conteur. Malgré les longueurs, les digressions, la fadeur de l'ensemble, il nous embarque à grand coup de nostalgie dans cet univers de mafia disparue, qu'il a tant raconté...

le 1 déc. 2019

24 j'aime

2