Y'a quelqu'un ? .... ça c'est pas si sûr.

Comme souvent, les couvertures donnent envie de découvrir un livre et celui-ci fut une bonne petite surprise. Couverture du talentueux Caza, ce qui n'est déjà pas rien quand on songe aux nouvelles couvertures souvent affreuses ou trop abstraites pour donner envie de feuilleter le bouquin (trouvé en occasion de mon côté).


Que pouvons-nous en déduire donc à la vue de cette couverture où pose une immense jeune femme sur des ruines de ce qui peut être probablement Paris (mention de L'Arc de Triomphe au loin) ? Retrouver l'être aimé.
La femme aimée, disparue subitement, une femme auquel l'auteur (qui transparaît sous les traits de Clément Volgré sans que nous ne soyons forcément dupes) tient plus que tout dans un Paris des années 70 fantasmagorique car en proie aux plus profonds changements architecturaux.


Des changements qui, dans la réalité que nous connaissons, a probablement dû troubler alors les parisiens. Ferreri exploitera ainsi le décor désertiquement urbain des Halles en rénovations complètes dans les années 70 (des travaux qui laissent alors un "trou béant" dans Paris sur plusieurs années. A noter que le quartier des Halles a subi dernièrement un complet ravalement de façade aujourd'hui de 2013 jusqu'à la mi 2016) dans l'odieusement hilarant Touche pas à la femme blanche !


Et le plus intéressant ici (et déstabilisant dans un premier lieu), c'est que c'est Paris et ses descriptions d'endroits et de moeurs aujourd'hui disparues, bien plus que le prétexte SF (même s'il a son importance dans le dernier tiers du roman) qui sont mises en avant, ça et la romance étirée et mélancolique d'un homme qui, sous le peu de vernis imaginaire du roman, ne cherche en fait qu'à se remettre avec la femme qu'il aime après une dispute. Une histoire d'amour perdu et de réconciliation en fait. Enlevez les oripeaux de l'inquiétante étrangeté, on à là de quoi faire un film typiquement bien de chez nous, la liberté (libertaire même vu l'ouverture d'esprit vis à vis du sexe qui anime Clément, sa compagne ou d'autres personnages. On sent que le vent de la révolution sexuelle ne s'est alors pas trop tari en 1979 quand Curval s'attèle à ce roman) des 60-70's en moins.


C'est d'ailleurs ce qui rend ce petit roman mineur attachant et pourtant toujours plus actuel : la suppression des libertés, de l'imaginaire, d'une certaine beauté au profit d'une société de consommation et de politiques qui les annihilent au profit du confort, du nivellement et du tout-sécuritaire pour tous. On parle même d'attentats en tant que forme de résistance dans le dernier tiers, je vous laisse imaginer la petite puissance de subversion que peut comporter ce livre dans notre époque devenue si morne. Il est clair qu'au départ l'écrivain réagissait contre les démolitions et rasages incessants d'une capitale sous époque Giscardienne où l'on sent battre son coeur. Mais à cette réaction de colère froide, il y applique une quête sentimentale sur, non pas le sens de la vie lié au fait de trouver la femme parfaite, mais plus de la retrouver.


Le rythme est lent, les descriptions affluent, on pourra trouver ça laborieux surtout si l'on est plus habitué à un style fluide d'une part, et d'autre part une époque que l'on a pas forcément connu et qui se trouve ici presque auscultée et disséquée de trop près. J'avoue à quelques moments avoir eu envie de laisser tomber le livre, mais arrivé à la moitié curieusement et relancé par des faits étranges (on retrouve la "disparue" Nina, puis elle disparaît, puis revient, puis repart... Quoique), on s'y fait, et on finit par ne plus décrocher jusqu'à une fin sans doute un peu expédiée rapidement mais néanmoins pas mal du tout (les 20 dernières pages sont franchement brillantes). En tout cas, le ton nonchalent de l'auteur, son humour parfois pince-sans-rire et somme toute sa verve parfois trop descriptive mais somme toute assez riche, m'ont donné envie d'y revenir.


Et quand je vois chez lui un titre de nouvelle humoristiquement appelée : Regarde, Fiston, s'il n'y a pas un Extra-Terrestre derrière la bouteille de vin, pas de doute il faut que je me penche sur l'univers de Philippe Curval.


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P.S : Le titre de la chronique fait écho à la dédicace que Curval lui-même me fit dernièrement au Salon des rencontres de l'imaginaire de Sèvres (92). C'était l'épisode "je raconte ma vie".

Nio_Lynes
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le 29 nov. 2017

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