"Youma, un roman martiniquais" est d'abord un roman dépaysant. A bien des points de vue, pas seulement parce que l'action se déroule à la Martinique, en mer caraïbéenne.
Dépaysant parce qu'il s'agit d'un drame social qui met le doigt là où ça fait mal : l'esclavagisme. "Youma" est un roman social dans le sens où non seulement Lafcadio Hearn dépeint la société colonialiste, ses us, ses mœurs, ses traditions, ses racines, mais encore parce qu'il nous fait vivre des événements dont aucun manuel scolaire ne parle.
Si vous n'avez jamais entendu parler de Lafcadio Hearn, qui fut un incroyable écrivain-journaliste-voyageur, jetez un oeil à sa biographie sur Wikipedia et rien que ça, ça vous dépaysera un grand coup ! Ayant passé deux ans à la Martinique, presque quarante ans après l'abolition de l'esclavage, il écrivit ce beau portrait de femme, une "da", c'est-à-dire une créole en charge des enfants d'une famille de colons, présentée par l'auteur comme une sorte de trait d'union unificateur entre la classe dominante et la classe servile. Si l'utopie est belle, la plume ne l'est pas moins avec la saveur du langage créole largement employé dans les dialogues.
Le drame de Youma est d'être déchirée entre son amour pour un homme et sa fidélité à la famille blanche qui l'a élevée et lui a confié l'éducation de leur dernière-née. C'est beau et triste mais ça vaut le voyage ; les descriptions sont très belles, la psychologie des personnages bien travaillée et le fait que l'auteur ait été journaliste donne à l'ensemble du roman un accent documentaire qui n'empiète pas sur l'ampleur romanesque.
Une belle découverte sur une terre française lointaine à l'histoire méconnue.