Ce récit de catastrophe vécu à travers un personnage qui la subit évite l'écueil d'une commisération inutile. Pas d'alarmisme, pas de pitié. Laisser la voix au personnage pendant la catastrophe même permet à Gilles Leroy de jouer comme d'habitude sur le mélange des souvenirs et de l'expérience, sur les réflexions intimes et l'extériorisation de ses personnages vers l'autre, le paysage, les événements. Au moment où une bonne partie de la littérature se fait l'écho de cette tendance passablement énervante, à maintenir les victimes dans ce rôle et à les empêcher d'être autre chose que cela, le court roman de Gilles Leroy réhabilite pudeur, distance et dignité dans un récit hyper construit, aux images ciselées et d'une matérialité incroyable.
La scène où Hollywood et ses caméras fait son entrée me semble être une critique légère de cette fascination du pire pour reprendre les mots de Zeller qui nous montrent les victimes et cachent les événements. C'est finalement une belle illustration, au sein d'une fiction écrite de main de maître, de ce que Cugno développe dans son Apologie de l'Indifférence.