« Zones sensibles » est le premier roman de Romain Verger (2006), et encore une très belle découverte chez Quidam Éditeur.

Le narrateur, jeune professeur dans une banlieue difficile, nous livre un récit en forme d’instantanés intimes, dépeignant le rythme du train, carcasse d’acier qui le transporte à travers la banlieue de son domicile vers son collège, la dureté des rapports aux élèves, la glaire des crachats et les barrières qu’on dresse, les douleurs de son dos qui le brûlent comme une carapace, les consultations chez le médecin qui lui semble un démiurge, les rêves qu’il fait de son père disparu à l’automne précédent, son attirance pour Ariel, l’enseignante en arts plastiques à la pédagogie étrange, qui fait cuisiner des livres aux élèves.
Ce quotidien est empli de visions marines, de cours d’eau et d’écluses, de marées et d’océans, par un narrateur qui se malmène lui-même comme un noyé roulé dans les vagues.

Le mal de dos devient insupportable, il doit se faire opérer et accepte de suivre une cure pour sa rééducation, et le récit s’enfonce davantage dans le registre fantastique si particulier de cet auteur, grand dès ce premier roman.
Romain Verger impose d’emblée une image de puissance, celle d’un écrivain habité de visions d’une force archaïque, de visions organiques, morbides et poétiques.

« Un mois que je voyage de banlieue à banlieue, et qu’à mesure des kilomètres qui défilent, l’espace s’aplanit et se tasse. Allant d’un point à un autre, comme faisant du sur-place, je m’habitue à circuler à contre-sens des foules massées vers la ville, à traverser l’espace à rebrousse-poil, embarquant avec moi des cours d’eau pour les déverser là, aux bans du monde, aux confins des zones sèches. Mais je sais que la mer est à portée de main, innervant secrètement bétons, ciments et bitumes gelés. Même serrée de toutes ses fibres jusqu'à tenir dans le maigre bras de la Seine, loin de toute embouchure, je sens sa présence quotidiennement, saturant l’air comme l’annonce d’un raz-de-marée. »
MarianneL
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le 30 mars 2013

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