A comme Aujourd’hui : un livre qui passe comme un rêve…
Voilà un roman bluffant. Le parti pris est le suivant : c’est un livre absolument et méticuleusement réaliste, qui repose sur une base fantastique inexplicable (et inexpliquée). Chaque jour A se réveille dans un corps différent. C’est ainsi. Mais au contraire du célèbre personnage de Code Quantum, il n’essaie pas de modifier le cours de la vie des gens, sachant que ses efforts sont réduits à néant quand la personne redevient elle-même.
Ce postulat de l’auteur lui permet de nous faire un tour de marionnettiste : une véritable galerie de portrait de l’adolescent américain. On se passionne pour ces personnages. En dehors du très banal Justin, tous sont assez remarquables : la fille parfaite et la pire des terreurs, le metaleux et le "bien-sous-tout-rapport", l’esclave moderne et les gosses de riches impatients, les jumeaux, l’obèse, le junky, etc. Le héros A. (ou héroïne comme vous voulez) déroge à sa règle de ne pas intervenir dans un cas : lorsqu’il se trouve dans le corps d’une jeune dépressive suicidaire. Le rythme du livre est saccadé, puisque chaque chapitre contient un jour. L’écriture est fluide et coule comme les pensées de A.
Mais le plus important n’est pas tant la vie des autres. A. a soudain envie d’exprimer sa réalité lorsqu’il tombe amoureux de Rhiannon. De cette rencontre va naître son désir de laisser une trace chez l’autre, d’exister en tant qu’entité. Il partagera avec elle son secret. Ils se rapprochent dès que possible, mais Rhiannon peine à reconnaitre A. dans ces garçons et filles qui se présentent à elle. Évidemment elle reconnait sa personnalité dans son discours, mais le désir a aussi besoin d’un support physique et il est difficile pour elle d’accepter cette "non-continuité" de l’être aimé. Y a-t-il ici une métaphore de l’amour via un écran, ces rencontres qui permettent de fantasmer tous les corps ?
Le sentiment amoureux est le thème central du livre, mais nombre d’autres sont effleurés comme les rapports familiaux, fraternels, amicaux, les inégalités. La diversité des vies fait de A. un être particulièrement tolérant. A travers sa vision des choses, très relativiste forcément, on perçoit l’universalité de l’humain. A. est quelqu’un de bon et il le prouvera à la fin du livre par ses choix. Je suis restée cependant sur ma faim ! La fin, justement est trop abrupte et sans aucune explication pour ce qui taraude A. Cela se justifie dans le logique du récit : A. n’est palpable que lorsqu’il essaie de s’individualiser. Mais quand même je suis déçue de ne pas en savoir un peu plus.
En conclusion c’est un roman coup de cœur pour moi !