S'il ne doit en rester qu'un.
Vous savez ce que c'est... On commence par prendre une gifle, on a seize, vingt, vingt-cinq balais - y'a pas d'âge pour prendre des gifles, on lit les "chroniques martiennes" par exemple, on ne peut plus dormir avant de l'avoir bu jusqu'à la dernière goutte et puis le livre se referme et nous abandonne et le lendemain on a une drôle de tête pour les deux heures de maths, bref.
On est entré sur le territoire de l'un des plus grands magiciens de la littérature fantastique ; ou devrais-je dire, c'est lui qui est entré dans notre vie et qui n'en sortira plus.
Les années passent et sur l'étagère les volumes du maître s'entassent peu à peu, au rythme de trois, quatre livres par an, peut-être un peu plus. Ray est devenu un ami fidèle, un confident silencieux, un compagnon de voyage qui nous accompagne et nous observe avec patience et tendresse. On le lit en vacances, dans le métro, sous le soleil brûlant ou dans les courants d'air de l'automne... On sait que, quoiqu'il arrive, il reste toujours un nouvel horizon de poésie étrange à explorer au fil de ces pages.
Et puis un jour les années ont passé, et on parcourt le rayon S.F à la lettre "B" pour s'apercevoir que non, décidément, on ne trouve plus un seul roman ni recueil car on a tout dévoré avec délice.
On parcourt les librairies d'occasion, de celles auxquelles on s'attache avec le drôle de type en gilet de laine assis derrière ses piles de bouquins, pour y dénicher encore quelques perles rares et puis, bientôt, c'en est fini et on a épuisé la mine de diamants.
On a rangé Bradbury entre Asimov et Clarke (au hasard) et il ne reste plus qu'à tout relire avec au coeur l'infinie mélancolie d'un génie qui nous a tant donné et tant appris.
Alors, quand on nous demande de choisir parmi toutes ces merveilles celle qui nous a le plus transportés, émus, celle qui nous fait voyager dans les contrées les plus sauvages de l'imaginaire, on se souvient d'une couverture un peu froissée et d'un pays aux frontières ancrées en nous comme nos propres souvenirs d'enfance.
On pense à "L'Ouest d'Octobre" comme à un amour ancien qui aurait gardé toute sa pureté et sa magie et on attend patiemment que le temps vienne et nous invite à tout revivre...
Le grand Ray a tiré sa révérence en 2012, il est temps pour nous de le faire découvrir sans rien dévoiler de ses mystères.