La petite maison Z'Ailées propose ici un roman sur le hockey, dont je sors mitigée.



Siméon, jeune joueur de 11 ans, environ, et citoyen de Rouyn-Noranda, célèbre le championnat dans lequel il a compté le but décisif qui a donné la victoire à son équipe des Huskies, en plus d'avoir été nommée étoile du match. Son équipe et lui avaient décidé de faire un party quelque part sur le lac près de chez lui ( nous sommes en hiver, au Québec), mais quand il fait quelques acrobaties de snowboard, avec son frère aîné aux commandes de la moto-neige pour le propulser, il fait une mauvaise chute qui lui fracture le fémur. Après six semaines dans le plâtre et des mois sans hockey, Siméon a une jambe plus courte que l'autre, ce qui lui fait maintenant porter un écarteur à un patin en plus d'avoir cumuler du retard dans son entrainement. Maintenant, les sélections imminentes pour le sport-étude au niveau secondaire lui causent beaucoup d'anxiété et de colère, car force est de constater qu'il a du mal à tous les niveaux. Il peut cependant compter sur le support d'Axelle et de Mathéo, ses ami.e.s pour l'épauler. Une bonne chose, car l'entraineur-chef est à bien des égards quelqu'un de peu sympathique et un des anciens de l'équipe, Bastien, se montre bien malhabile à vouloir encourager les plus jeunes, plus insultant que réellement encourageant. Siméon devra travailler dur et dompter ses inquiétudes pour parvenir à mériter le casque doré du Cuivre et Or, l'équipe de hockey du Sport-Étude.



Un des éléments de l'histoire concerne donc le handicap par blessure. Siméon doit apprendre à compenser ses jambes inégales et réapprendre à bouger harmonieusement du à ce écart. Ça peut vraiment être déconcertant de se retrouver aussi malhabile après une longue convalescence dans un domaine qu'on maitrise bien d'habitude, et mène à de l'anxiété pour cette seule raison. C'est généralement avec l'appui d'une équipe de gens que les athlètes se sortent de ces embûches, que ce soit de la part de professionnels ou des proches. Bref, c'est un thème intéressant, car généralement peu exploité dans les histoires de sport. On voit plus souvent des blessures mineures, mais ici, c'est une grosse blessure avec des impacts fonctionnels et psychologiques. Siméon s'en sort d'ailleurs vraiment vite, je trouve, ce qui est peut-être un peu irréaliste, mais à sa décharge , il a persévéré et c'est effectivement un élément important dans ce genre de situation.



Dans les éléments qui m'ont laissée perplexe, il y a l'attitude de l'entraineur-chef ( le "coach"). À mon sens, il y avait présence de masculinité toxique dans sa façon de traiter les jeunes et de percevoir le sport. Déjà, il est revenu au moins cinq fois sur le dos de Siméon concernant ses cheveux ( la jolie tignasse supra-frisée que vous pouvez voir sur la couverture). Cinq fois, ça commence à sonner comme du harcèlement, je trouve. Pour lui, les gars hockeyeurs doivent avoir les cheveux courts, ce qui constitue une discrimination quand il admet que cette consigne ne concerne pas les filles ( Axelle, la seule fille de l'équipe). Il a aussi une façon insistante de parler aux jeunes que je trouve inadéquate. Il ne tolère d'ailleurs pas l'humour, ce qui est assez triste quand on essai de promouvoir le plaisir du sport chez nos jeunes. le plaisir n'est pas indissociable de la rigueur et de l'effort, elle est même fondamentale. Enfin, sa façon de nommer les jeunes quand il veut insister sur un point est stigmatisante et dévalorisante. S'il sait au moins reconnaitre que le manque de respect est intolérable en sport d'équipe, reste que je n'aime pas ce personnage. Nous avons actuellement beaucoup d'enjeux, dont certains très graves, dans le monde du Hockey junior au Canada, liés surtout à l'atmosphère toxique et la banalisation de diverses formes de violence ( initiations gravement humiliantes, viols collectifs de joueurs sur des filles saoules, agressions sexuelles entre joueurs, culture du silence et autres joyeusetés du genre). Il serait temps que même dans la littérature jeunesse on ait donc des modèles sains chez nos entraineurs et personnel sportif, ou que ces adultes soient appelés à revoir leur comportement dans l'histoire. Ah et c'était franchement pathétique de voir l'entraineur et son assistant toujours fourcher sur "les boys...heu et Axelle" ou "les gars, arg! Et la fille! " comme si simplement dire "la gang", "tout le monde" ou "groupe" était trop compliqué. Pas facile de changer les vieilles habitudes machos.



Siméon est un personnage qui a de très belles forces, mais aussi quelques enjeux. Il gère sa colère comme un balais, en témoigne son propre bâton fracassé contre la bande de la patinoire ( Ish, ça ce serait une intervention automatique si j'étais entraineuse ça, mon gars!). J'aurais aimé que quelqu'un dans l'histoire lui rappelle que la colère, ça se gère et ça n'a pas sa place dans le sport, mais là on revient au fait que dans le hockey, on laisse encore beaucoup trop cette mauvaise gestion impunie. Il a aussi ce qu'on appelle des "pensées intrusives", cette "petite voix" qui chuchote des paroles décourageantes ou anticipe au pire. Elle m'a semblé particulièrement intrusive, ceci-dit, j'ai même soupçonné une schizophrénie à Siméon, surtout quand cette voix lui semblait réelle. Néanmoins, enfin parler de l'anxiété dans un contexte sportif est pertinent. Enfin, reste que malgré son pessimisme et sa mauvaise gestion des émotions, Siméon a persévéré et a tout donné. Un gros merci à ses amis, surtout, qui ont été ses remparts psychologiques sans conteste.



Le seul élément assez évidement dénoncé est l'attitude du personnage de Bastien, qui se donne des airs de meneur, mais qui dans les faits, se montre souvent désobligeant, voir insultant. Un vrai meneur est, au contraire, une personne rassembleuse et qui sait tirer partie des forces de ses membres, sans être accaparant ou de parler à toutes les occasions. Quand Bastien se fait confronté par Mathéo, alors qu'il insinuait que Siméon était handicapé, il perd non seulement la face, mais aussi un privilège ( le fameux casque doré qu'il a rapidement reçu et qu'il doit désormais re-mérité). Heureusement, il prend conscience de son erreur et demande pardon.



Dans un autre ordre d'idée, c'était intéressant de voir les sélections de l'intérieur. On y voit les divers exercices, spécialistes impliqués et la charge mentale que ça implique. Je me faisait la réflexion que je trouve ce processus aussi anxiogène et intense que les tests de sélection des enfants de 11 ans pour les écoles internationales et privées, alors que leurs parents viennent acheter la panoplie complète de tests maison en librairie jeunesse. On a vraiment une façon malsaine de mettre la pression sur nos jeunes, quand j'y songe, comme si c'était toujours une question de performer plus haut et plus fort, sans tenir compte des aspirations réelles de nos jeunes et de leur désir de s'accomplir positivement. Je suis sure qu'on peut soumettre à des test des jeunes sans leur faire subir une pression aussi importante, que même les adultes ne sauraient mieux gérer. Dans le livre, on verra notamment l'importance de l'alimentation, l'importance de la souplesse ( via la kinésiologue) et l'importance de la préparation ( comme la pratique et le sommeil).



Côté texte, c'est très accessible, mais il s'agit d'une accessibilité peu esthétique parce que très familière. Ce genre de roman est à double tranchant: Idéal pour les lecteurs à défis qui lisent très peu, mais pas suffisamment bien écrit pour relever le niveau de français. En même temps, le monde du hockey est réputé pour son très piètre français à l'oral, très anglicisé en plus. La police de caractère est un peu grosse que la norme, sur un petit format de livre, comme la maison Z'Ailée à l'habitude de faire. J'aime bien ce choix, ce n'est pas la gigantesque police que je croise [trop souvent pour mon bien-être mental] et qui rend les jeunes lecteurs dépendants, et ce n'est pas non plus une brique qui coûte cher en papier pour peu de texte.



J'affectionne la couverture avec ce jeune homme aux cheveux ultra-frisées qui lui donne une allure fantastique et dont je salue le combat contre son entraineur pour les garder ( franchement, je le comprend! Ils sont super ses cheveux). le graphisme est aussi plaisant et les couleurs rendent bien. La 4e est d'ailleurs un tableau de pointage numériques noirs comme on en a dans les arénas pour comptabiliser les points.



Et j'apprécie la charmante présence d'Axelle, parce que les représentantes de personnages féminins sportives sont encore peu nombreuses et qu'elle est un beau personnage.



Un roman qui aurait gagné à être plus sensible sur les questions de la masculinité toxique et soucieuse de l'esprit sportif sain, mais qui reste globalement un bon petit roman pour les lecteurs sportifs qui versent peu dans la lecture.



Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans

Shaynning

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