Ce récit m'a touché. Il m'a touché parce qu'il est écrit par une parisienne, qui vit près de chez moi, et qui a vu de près et de loin la sombre tragédie que Paris a vécu avec les attentats de Charlie Hebdo. J'ai eu le sentiment que Laurence Tardieu mettait des mots sur une peur indicible que tous les franciliens ont ressenti à cet instant où le monde entier s'est tourné vers nous, endeuillé par la violence.
Il s'agit bien ici d'un récit. Le romanesque n'a que peu sa place. Laurence Tardieu est happée, pragmatiquement, vers le réel. C'est une période charnière pour elle : contrainte de vendre la maison de famille dans laquelle elle a passé toute son enfance, où les souvenirs de l'innocence sont entâchés désormais par le pragmatisme de cette vente et par la nature irrémédiablement violente et définitive du monde. Laurence Tardieu est enceinte aussi et elle se demande si c'est le moment pour mettre au monde un enfant alors que toute l'innocence de sa propre enfance à elle s'évapore. Finalement la grande histoire, tragique, déteint, fait écho à sa propre histoire. Elle et les attentats, définitvement liés par un destin implicite.
Elle sent alors la nécessité d'écrire, de raconter, ces strates d'existence, cherche à éviter le silence. Il faut mettre des mots, il faut dire les choses, c'est quelque part tenter de vivre, comme l'aurait dit Paul Valéry.
Je n'ai pas été frappé par le style. Il y a une certitude platitude dans le récit, qui traduit une sorte d'impuissance des écrivains à surpasser cette époque trouble. Seule finalement l'émotion suscitée par les souvenirs d'une enfance heureuse dans une maison familiale semble encore suffisament puissante pour porter le récit. Le reste n'est que l'amer constat d'un monde qui s'étiole et c'est en cela que le livre est finalement marquant, il est le marqueur d'une époque troublée et aveugle où l'écriture est désormais impuissante, enfin presque.