À la recherche de Marie par obscurantiste

Lui, il n'a rien choisi, il ne voulait rien montrer : toute la ville est comme cela. D'une beauté muette et figée, avec son visage de pierre et d'or, elle évoque quelque chose de grand dans l'histoire, et Marie croit bien que c'est la plus belle ville de France.

Il faut d'abord se donner, s'engager, alors on recevra en échange. Mais tu attends, tu attends que quelque chose arrive... Tu n'en sais pas le nom, c'est un bonheur vague qui viendrait soudain à toi et qui te comblerait... Et comme rien n'arrive, tu te désespères et tu as voulu mourir. Mais tout était là déjà... A toi d'aimer, à toi de vivre. Exiger de la vie, c'est-à-dire exiger de soi-même.

Car on ne se libère pas en abandonnant. La libération se fait au sein même de ce que l'on n'abandonne pas.

Et vous, autre visage, si jeune, si dur, si lointain... Beau front lisse penché sur moi, paupières aux cils trop lourds où j'ai posé mes lèvres, cheveux que j'ai caressés de mes mains... Etes-vous le visage de l'amour ? Pourquoi répondrais-je... Les sentiments se vivent, ils ne se formulent pas.

Tu es loin de moi. Et j'accepte cette distance douloureuse. Et je ne sais pas comment tu m'aimes. Ne me le dis pas. Défends-moi ta vie, garde-la. Tu en as le droit. Et si tu n'avais pas ce droit, tu devrais l'acquérir. Mais moi, je t'aime. Je ne te le dirai pas. Mais je le dis à moi-même. Pourquoi mettrais-je frein à ce qui est si puissant en moi ? Je t'aime. Pour un temps très court, peut-être pour toujours. Personne ne le sait. Il n'y a dans l'amour ni perfection ni éternité préétablies. L'amour bat selon les pulsations du temps, comme battent toutes les choses qui vivent. Il s'affirme ou se défait, il déchoit et se relève. S'il est vivant, il peut mourir. Et c'est cela qui est beau. Une chose n'est grande et émouvante que lorsqu'elle contient une possibilité de mort. Lutte et sauvegarde, luttes conjuguées du corps et du coeur. Echec ou victoire d'une heure sur l'heure précédente... Avancement pas à pas... Risques. Beauté figée d'un amour éternel et parfait ? Beauté tragique d'un amour qui meurt ? Beauté fulgurante d'un amour qui naît ? Vertige d'un monde neuf... Oui, je sais bien... Mais à toutes ces beautés-là, j'en préfère une autre. Elle n'est ni figée, ni fulgurante, ni tragique ; elle est plus lourde, plus difficile, plus vraie. C'est la beauté d'un amour non pas au moment où il naît ni où il meurt mais au moment où il est en train de vivre...

Je suis dans le temps où je t'aime, beau visage de mon coeur... Peut-être m'accueilleras-tu encore. Des trains, toujours des trains... Et les rails d'acier luiront sur ma vie comme les branches d'une étoile. Mais chaque fois, quittons-nous sans larmes et sans au revoir. Quittons-nous sans paroles de foi et sans mains enlacées, parce que notre amour est une chose vivante.