« On est le 18 août, j’aime un garçon qui en aime un autre, j’attends un enfant de lui, et j’ai mis le premier pull que j’ai trouvé dans l’armoire, alors qu’il doit faire vingt-six degrés, parce que cette nuit, en une seconde, j’ai eu peur de continuer la vie, comme ça. »
Voila, tout est dit. Je spoile à mort mais tant pis, l’intérêt du roman n’est pas selon moi dans l’histoire mais dans son traitement. Jeanne passe toutes ses vacances chez sa grand-mère. Elle y retrouve Julie, Chloé, Baptiste, Tom et Lucas. « Pas une histoire d’amour. Une histoire d’amitié. Sévère. Inséparables, forcément. Bancals, des failles, des fous rires, des zones d’ombres, des mensonges sans doute, des nuits blanches, des mains, sans cesse dans d’autres mains. » De Lucas, Jeanne est follement amoureuse. Elle va se donner à lui comme elle ne s’est jamais donnée auparavant : « Dès que l’on se retrouvait seuls, Lucas prenait ma main, et puis ma bouche, et puis moi, tout entière. Et c’était la plus belle chose qui m’était jamais arrivé dans ma vie. » Sauf que Lucas n’est pas vraiment celui qu’elle croit et que l’amour absolu qu’elle lui porte n’est, malgré les apparences, pas réciproque.
Je disais que l’histoire comptait moins que son traitement et c’est réellement le sentiment que j’ai eu en refermant ce court roman. Parce que Madeline Roth dit la douleur affective, le chagrin qui vous laboure les entrailles, le vertige de la perte comme rarement je l’ai lu dans un texte pour ados. Le monologue de Jeanne est aussi puissant que lucide, aussi sincère que touchant. Lucas est en elle, partout, tout le temps, cicatrice béante marquant ses chairs au fer rouge, tatouage qui électrise chaque grain de peau et n’a rien d’éphémère. C’est la confession d’un déchirement, avec une fenêtre ouverte sur une possible reconstruction. Mais la trace restera indélébile, quel que soit l’avenir. Magistral.