Lentement, avec précision, Yasmina Khadra nous met dans les pas, dans la tête, dans le coeur, d'un jeune Algérion, Nafa, qui doucement, dans les années 90, va se faire absorber par la violence intégriste...
Les sentiments, états d'âmes, réflexions de Nafa nous sont livrés avec précision et détachement. Les errements de ce jeune homme, pris entre rêves de gloire, de réussite sociale et une forme de lâcheté profonde et sourde, nous deviennent familiers et doucement, il devient même clair qu'il se ralliera, sans plus de passion ni de point de vue moral que pour le reste au mouvement terroriste.
L'auteur arrive à décrire très précisément la lente montée de ses années noires en Algérie, sans grands discours ni même analyse sociale, par la description des jeux intimes qui meuvent les personnages : l'envie, le besoin de reconnaissance, de sens, la jalousie, la peur...
C'est cru parfois, violent souvent, légèrement décalé, non dénué d'humour... Un tableau assez sombre d'une société qui bascule.
L'ouverture du roman sur une scène que l'on pressent très vite être la fin est aussi pour beaucoup dans la force de ce livre.
Néanmoins, comme souvent chez Khadra, il demeure de nombreuses faiblesses de style, quelques facilités narratives ou ellipses bienvenues, qui affaiblissent la qualité de ce roman.
Qui n'en reste pas moins un des premiers témoignages sensibles de cette page de l'histoire algérienne, tragique et annonciatrice de beaucoup des maux d'aujourd'hui.