C'est un des premiers romans que j'ai lus de Yasmina Khadra vers la fin des années 90. C'est un écrivain qui ne m'a jamais déçu. Je dois en être à une petite vingtaine de livres lus …Yasmina Khadra, l'autre nom de Mohammed Moulessehoul, est un véritable républicain algérien qui a combattu la (les) mouvance (s) islamiste (s) dans son pays et ne cesse maintenant, à travers ses romans et ouvrages, de mettre en garde contre les dangers et pièges de ce fanatisme religieux, cette lèpre qui ne demande qu'à s'étendre.
Son roman "À quoi rêvent les loups" est la description d'un itinéraire plausible de radicalisation d'un homme. Glaçant, l'itinéraire.
Au départ, un jeune homme, pauvre, Nafa Walid parvient à décrocher un rôle dans un film. Il croit alors en sa bonne étoile jusqu'au moment où il se rend compte qu'il est sous un plafond de verre qu'il ne peut franchir. C'est le début d'une galère où il s'essaiera à différents métiers dont celui de chauffeur de maître. Avec toujours l'espoir chevillé au corps.
Dans le roman, il croise puis recroisera différents personnages qu'il a admiré pourtant comme le poète Sid Ali, ou un autre chauffeur de maître, Hamid, un gigantesque noir, qui le sentant sur le point de basculer vers l'utopie islamiste parce qu'il refuse l'humiliation, tentent de le convaincre et de le retenir hors du chemin sans retour.
Quand le FIS sera au pouvoir, nous serons tous égaux
Puis l'engrenage terrifiant, la manipulation, la désinformation, la mission anodine, puis moins anodine jusqu'au premier meurtre où la main tremble, car il reste toujours un pan de civilisation dans le fond de l'être humain.
La nausée me submergeait, enchevêtrait mes tripes, me tétanisait.
Puis un deuxième puis un troisième meurtre
À partir du troisième, tout rentrera dans l'ordre, m'avait prédit l'émir Sofiane
Ensuite, ainsi qu'est nommée la troisième et dernière partie du roman, c'est l'abîme, sans fond, sans possibilité de retour.
Un récit que Khadra a voulu réaliste. D'ailleurs, le texte est alternativement à la première et la troisième personne. Comme si l'auteur voulait nous montrer à travers un prisme l'intérieur et l'extérieur de Nafa.
J'ai déjà dû le dire à l'occasion d'autres chroniques des romans de Khadra, j'aime beaucoup le style d'écriture de Khadra, toujours imagé. Imagées aussi les descriptions des villes ou des douars dont on devine l'immense dépit qui habite le romancier de voir ces villes, ces quartiers saccagés, ces artistes assassinés.
Et puis j'aime lire Khadra parler avec respect des femmes qui sont, avec les artistes, les premières victimes de ces fanatiques. Ainsi Hanane dont Nafa fut amoureux du temps où il ressemblait encore à un homme.
"À quoi rêvent les loups" est un livre dense, vibrant de tous les regrets et colères de Khadra. Un livre qu'on peut difficilement lâcher une fois qu'il est commencé
Un livre qui parle de vrais problèmes, ceux que les extrémismes en tous genres peuvent engendrer chez les hommes. Où que ce soit.