Malheureusement, pas grand-chose à dire de très intéressant sur ce roman franchement mineur de Philip K. Dick. À lire la quatrième de couverture, on pouvait craindre un Ubik à l'envers, mais non, et tant mieux, car on n'en aurait sans doute pas vu l'utilité. Ce n'est pas pour autant que c'est un texte bien original. Les sujets sont là, qui ne demandaient qu'à être exploités : résurrection des morts comme annoncé dans la Bible, inversion du temps, religion omniprésente, conflits ethniques, retour d'un leader religieux mort considéré comme un saint, institution toute puissante qui fleure bon la dystopie, etc., etc.
Seulement, rien n'est développé. Oui, les morts reviennent à la vie et on les appelle (dans la traduction que j'ai lue) les anciens-nés. Et voilà. Philip K. Dick amorce vaguement une réflexion sur la mort de temps à autre, et laisse tomber. Sans compter que tout ne fonctionne pas à rebrousse-temps, alors que la Terre entière est censée être sous le coup d'une inversion du temps qui relève d'une loi physique universelle. Du coup, outre la résurrection des morts et le rajeunissement des personnes, on se contente d'anecdotes, comme les cigarettes fumées à l'envers et la nourriture régurgitée, anecdotes un peu grotesques. La question des conflits ethniques a l'air de tomber là comme un cheveu sur la soupe, n'est pas développée, et n’apporte rien à l'histoire. Sur la Bibliothèque, institution qui pratique la censure en détruisant certains documents, on ne sait pas grand-chose : ni d'où lui vient son pouvoir, ni à quoi elle sert véritablement. Son autorité semble s'étendre à pas mal de choses, mais comme son rôle n’est pas développé non plus, on en restera là. Et surtout, on a le fameux leader Peake qui revient à la vie semble avoir fondé une religion qui a pour objet de faire communier les esprits des adeptes jusqu'à la symbiose. Là, on pense à Fondation d'Asimov, à l'univers de Ghost in the shell, et on se dit que ça, Philip K. Dick va le développer bien à sa façon. En fait non. Un personnage en parle, mais est aussitôt interrompu par un autre personnage que ça n'intéresse pas. Et finies les histoires d'osmose spirituelle.
Reste une sorte de thriller qui se lit vite et bien, écrit avec plus de naturel que certains autres romans en revanche bien plus denses du même auteur, et dont on suit l'histoire sans s'ennuyer. Donc, c'est un très bon roman pour passer le temps (par exemple pour s'extirper des lourdeurs de La faute de l'Abbé Mouret), mais ce n’est certainement pas là qu'on trouvera matière à réflexion, ni le cœur de l’œuvre dickiennne. Cela dit, on s'amusera à retrouver certains leitmotiv typiques de l'auteur, notamment la figure de la fameuse femme fatale et cruelle. Je ne déconseillerai donc pas ce roman, du moment que vous savez à quoi vous attendre. Il passe bien pour un moment de détente, ou si on tient à absolument tout lire de Philip K. Dick. Mais si vous avez dans l'intention de vous lancer dans un Philip K. Dick particulièrement représentatif de son auteur, allez directement prendre une dose d'Ubik.