Une vulgarisation salutaire

Quiconque a tenté de se frotter au Capital de Karl Marx sait à quel point ce ouvrage majeur d'économie et de philosophie politique peut être indigent. Extrêmement long, démonstratif et technique, nombreux sont ceux à l'avoir refermé après quelques dizaines de page ou à l'avoir parcouru en diagonal, passant à côté d'une vision globale de l’œuvre. Carlo Cafiero, militant communiste italien converti à l'anarchisme, réalise ici un tour de force en condensant 2000 pages en 140.

Il est évident que de nombreuses démonstrations sont passées sous silence et que les aspects les plus techniques sont écartées. Les amateurs de théorie économique passeront leurs chemins et s'en remettront à l’œuvre originale. Ce que privilégie Carlo Cafiero, c'est une démonstration rapide et efficace des origines bourgeoises du mode de production capitaliste, des injustices qui l'ont engendré et qu'il perpétue, ainsi que des conséquences sociales de ce système économique sur la classe prolétarienne.

En présentant l'accumulation primitive comme fruit d'une histoire violente, la plus-value des capitalistes comme la part de travail non-rémunéré des ouvriers et la division du travail comme un facteur de déshumanisation des travailleurs, l'objectif de l'auteur est avant tout politique : il souhaite démontrer de manière simple et efficace la violence et l'injustice du système capitaliste dans le but de mobiliser les foules. Il reconnaît lui-même, dans sa correspondance ou dans ses notes, vouloir d'une part convaincre les étudiants et la jeunesse bourgeoise à épouser la cause révolutionnaire, et d'autre part d'inciter les prolétaires à se soulever contre leurs oppresseurs.

Si certaines démonstrations et exemples sont évidemment datées en 2020 (dieu merci, nous sommes quand même parvenus à instaurer un salaire minimal, à encadrer les conditions de licenciements/démissions et à améliorer la protection des ouvriers sur leur lieu de travail !), l'essentiel reste d'actualité. Ce bref opuscule offre une belle introduction à la pensée marxiste et à l'analyse des bases du système capitaliste. Travail qu'il s'agira de mettre en perspective avec une analyse du néolibéralisme, enfant monstrueux du capitalisme (et -paradoxalement- ennemi du véritable libéralisme économique qui exige un minium de contrôle de l’État pour assurer une concurrence libre et parfaite).