Pierre, Paul, Jacques...

Cinquième livre du Nouveau Testament, classé après les Évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) et l’Évangile de Jean, le livre des Actes des Apôtres est en fait la suite directe de l’Évangile attribué à Luc. L'auteur est le même (même si on ne sait pas de qui il s'agit : ce personnage répondant au nom de Luc semble être une invention ultérieure, parce qu'il fallait bien donner un titre à son Évangile, mais dans la réalité on ne sait rien de lui ; tout ce dont on est sûr, finalement, c'est qu'il est l'auteur des deux livres, et qu'il emploie un « nous » à plusieurs reprises, ce qui signifierait qu'il a participé à une partie des événements qu'il raconte) et le livre s'adresse au même personnage, un dénommé Théophile (dont on ne sait rien non plus ; d'ailleurs, ce nom peut très bien être symbolique : étymologiquement, Théophile, c'est celui qui aime Dieu, et c'est fortement symbolique qu'un tel livre soit adressé à une personne qui aime Dieu).
Le livre des Actes des Apôtres raconte surtout trois événements majeurs de l'histoire du christianisme naissant.

_ D'abord, la Pentecôte. Comme d'habitude, cette fête chrétienne se calque sur le calendrier juif (rappelons que pendant toute l'époque couverte par le livre des Actes, il n'existe pas, à proprement parler, d'église chrétienne : le christianisme n'est alors qu'une branche peu organisée du judaïsme, et ce n'est pas la polémique concernant la circoncision qui changera ce fait : les premiers Chrétiens sont des Juifs). Cinquante jours après cette Pâques qui a vu la mort puis la résurrection du Christ, dix jours après l'Ascension, au cours de laquelle ce même Christ est remonté vers Dieu, les apôtres et les disciples qui étaient restés fidèles à Jésus devaient être désemparés : jusque là, le Messie était avec eux, à leurs côtés, pour leur dire quoi faire (et leur remonter les bretelles s'il le fallait). Mais une fois le Christ parti (pour de bon, cette fois-ci), ils allaient devoir organiser les communautés de croyants (et il faut prendre le mot « communauté » au sens propre, puisque tout était en commun, tout le monde devait déposer ses possessions dans le trésor de la communauté et ne gardait rien pour lui, sous peine de punition divine, comme le montre l'épisode d'Ananie et Saphire au début du chapitre 5) et les diriger du mieux de leurs capacités.
L'épisode de la Pentecôte est alors essentiel. Jésus avait promis que lorsqu'il serait parti, il leur enverrai le « Consolateur », le Saint-Esprit qui serait un guide pour les croyants. Et c'est exactement ce qui arrive à ce moment-là : le Saint-Esprit descend sur les apôtres sous la forme de « langues de feu ». Ainsi, chacun serait en communication directe avec la volonté divine et saurait quoi faire. Cela va s'avérer essentiel pour la suite, puisque le livre des Actes donne plusieurs exemples de manifestation de l'Esprit.

_ L'événement suivant est un exemple de ces instructions qui viennent d'en-haut. Et c'est aussi, sans doute, l'événement le plus important de ce livre. Le Seigneur précise à Pierre que le message évangélique n'est pas destiné aux seuls Juifs, mais au monde entier. Fini le peuple élu comme seul récipiendaire des bénédictions divines : le message christique est universel.
A vrai dire, on y était un peu préparé. Jésus avait enseigné à une femme samaritaine, et il avait guéri miraculeusement la fille d'un officier romain (félicitant celui-ci pour la foi qu'il avait manifesté, ce qui avait dû être mal accueilli par les autorités juives).
Mais là, c'est un événement bien plus important, aux conséquences monumentales, qui descend littéralement sur Pierre. Lui qui devait déjà se demander comment diriger une église juive, se retrouve désormais à la tête d'une église universelle. Il allait falloir faire accepter aux autres l'idée que les non-circoncis puissent participer aussi au salut divin. Et comment faire pour obéir au commandement christique qui demandait de porter la nouvelle à tout le monde ?

_ C'est justement pour répondre à cette exigence que le Christ va faire appel à un missionnaire infatigable, éternel voyageur qui ne cessera d'arpenter la Méditerranée pour fonder et organiser des églises un peu partout. Et pour cette mission, il ne choisit pas n'importe qui, mais un fanatique juif violemment anti-chrétien, sans doute engagé dans plusieurs exécutions de chrétiens pour le compte du Sanhédrin : Saul de Tarse, qui deviendra Paul.
En gros, le livre des Actes se divise en deux parties, la première s'occupant de Pierre et la seconde, plus longue, de Paul (ouvrant ainsi la voie aux épîtres qui constitueront une partie importante du Nouveau Testament).

Trois événements enchaînés, trois étapes cruciales dans la construction de ce qui deviendra l'église chrétienne. Un livre donc essentiel, et le dernier livre "historique" (dans le sens qu'il raconte une histoire) de la Bible.