Bon alors autant le dire tout de suite, ce petit bouquin, je l’attendais avec impatience tout comme sa lecture. Le risque dans ces cas-là, c’est d’être déçu. Loupé. J’ai été soufflé par cette vie. Cette vie de faussaire qui traverse les conflits. Un faussaire qui se raconte dans ce livre par le prisme de sa fille Sarah Kaminsky. Un récit de vie où le sens des luttes, de la guerre, de la famille se retrouve à graviter autour de la vie d’un jeune faussaire en devenir.
Adolfo est confronté très tôt à la violence des hommes, car il est juif et adolescent durant la Seconde Guerre mondiale. Et très tôt, il questionne les raisons d’agir de son entourage, des membres de son village, des Allemands qui occupent la France, les raisons d’un premier conflit qui dure (la Seconde Guerre mondiale) et les moyens de participer à la fin de ce dernier. Pourquoi les déportations, pourquoi les stigmatisations, le jeune Adolfo reçoit ces questions de plein fouet alors qu’il est encore très jeune. Il croisera par la suite d’autres conflits pour lesquels il s’engagera.
Le reste des événements pour le jeune Adolfo va finir par s’enchaîner et est parfaitement résumé dans le titre : « Une vie de faussaire ». Et quelle vie. Ce serait dommage de livrer les débuts du personnage en tant que faussaire tout comme le contexte dans lequel il a grandi, mais ce que je peux vous dire, c’est que cet homme a fait très rapidement preuve d’une singulière maturité et a dépassé précocement ses questionnements d’enfant. La souffrance sous toutes ses formes qu’il va rencontrer à travers la Seconde Guerre mondiale va finir par agir comme un déclencheur. Un désir précoce de résistance émerge et on le voit naître ligne après ligne dans ce récit de vie. Ce désir est très bien restitué par sa fille, Sarah Kaminsky. Voici un extrait du résumé du livre, pour entrapercevoir le rôle du faussaire.
« Quand, à 17 ans, Adolfo Kaminsky devient l’expert en faux papiers de la Résistance à Paris, il ne sait pas encore qu’il est pris dans un engrenage infernal, dans une course contre la montre, contre la mort, où chaque minute a la valeur d’une vie. Durant trente ans, il exécutera ce méticuleux travail de faussaire pour de nombreuses causes, mais jamais pour son propre intérêt. »
« Jamais pour son propre intérêt », tout y est.
C’est aussi pour cette raison que cette biographie écrite par sa fille m’a autant touchée. Il y a quelque chose d’ultra sincère et en même temps de très humble dans le récit du père à sa fille (les questions de sa fille autrice, apparaissent ponctuellement dans le livre). Un récit aussi destiné à la mère de Sarah, Leïla (le livre lui est dédicacé en début d’ouvrage). C’est une grande aventure humaine mais c’est aussi une grande aventure familiale en sous-texte.
On distingue petit à petit dans ce récit la vie d’un homme qui parfois se perd, parfois prend le dessus face aux grandes luttes, aux grands conflits rencontrés. Ces deniers le dépassent souvent et pourtant, Adolfo cherchera une très grande partie de sa vie à avoir une prise sur eux, à s’engager contre ces conflits. À résister à cette violence. À y regarder de plus près, on voit aussi apparaître la vie d’un homme qui questionne le sens à donner à une vie de famille. Quel sens peut avoir cette vie de famille en parallèle à ces luttes qui paraissent au premier abord essentielles ? Que faire passer avant ? Les dilemmes sont nombreux, mais jamais tranchés. C’est une des grandes forces du personnage , mettre en perspective ses actes sans trancher systématiquement et ne jamais renier ses valeurs pour autant. Même si il faut remettre ces valeurs sur la table pour les sous-peser. Rien n’est acquis et la résistance du faussaire est exemplaire, elle est teintée d’un courage (un courage hors norme, vous le découvrirez), mais surtout elle est teintée de justesse dans tous les actes d’Adolfo Kaminsky.
Je ne saurais que trop vous conseiller la lecture de ce livre. Un grand témoignage pour ma part, qui va résonner longtemps.