Agatha
6.7
Agatha

livre de Marguerite Duras (1981)

Peut-être ai-je lu trop de Marguerite Duras en trop peu de temps... Il faut dire que si Duras peut me charmer, elle peut tout autant m'irriter ou m'agacer. Avec India Song (la pièce), c'était l'amour parfait, avec Agatha, c'est la dégringolade.


Un frère et une sœur, adultes, se retrouvent dans la maison de leur enfance. Un amour incestueux les unit, consommé autrefois ou pas : on reste dans le flou à ce propos, et ce n'est sans doute pas le plus important. Toujours est-il qu'au cours de ces retrouvailles qui sont également une séparation, ils vont se remémorer leur enfance et leur adolescence et la journée où, peut-être, ils ont franchi le pas.


Histoire d'un amour défendu, impossible à vivre, d'un désir douloureux, histoire d'enfance, histoire d'un lieu qui se confond avec un personnage, histoire à retrouver, à recomposer, qui repose sur des souvenirs éparpillés, défaillants, fantasmés, histoire baignant dans une musique omniprésente, dialogues épurés, phrases inachevées... C'est bien du Duras, on ne peut pas s'y tromper, tout y est ! Mais, à mes yeux, c'est du Duras qui commence à se répéter, qui tend vers la caricature. Les années 80 ne constituent d'ailleurs pas, de mon point de vue, la meilleure période de l'auteure, même si elle a donné naissance à Savannah Bay, pièce où la question de la mémoire est bien mieux traitée.


Le langage, dans Agatha, m'a semblé être devenu franchement artificiel. Certes, on n'attend pas des personnages de Duras qu'ils s'expriment comme tout un chacun dans la vie, mais enfin, la recherche d'un dialogue épuré a ses limites... Ce vouvoiement entre le frère et la sœur dès les premières phrases m'a un rien exaspérée. J'ai bien compris pourquoi Duras l'utilisait : les deux personnages cherchent à instaurer une distance entre eux deux depuis la consommation de leur amour (consommation fantasmée ou réelle), et c'est dit assez clairement. N'empêche... J'ai eu l'impression immédiate qu'il s'agissait là d'un procédé inutile, et par la suite, tout le façonnage des dialogues m'a semblé surfait, pénible.


Il me semble que le sujet qui tenait tant à cœur à Duras en écrivant cette pièce, à savoir le désir nostalgique de retrouver une unité première (à travers un amour incestueux), aurait pu être traité plus subtilement. Et puis, soyons clairs, c'est le sujet même des Hauts de Hurlevent, et il faut se lever tôt pour rivaliser avec Emily Brontë là-dessus. Mais après tout, Duras aurait pu réussir là où d'autres ont échoué.


Ce qui m'a finalement le plus déçue, c'est l'absence, que j'ai ressentie très fort, de cette atmosphère si spécifique à Duras, cette ambiance nostalgique, mélancolique, qui n'appartient qu'à elle. Ce que j''ai retenu d'Agatha, c'est donc l'impression que cette pièce marquait le début de la fin pour Duras (malgré quelques sursauts) : un texte sans beaucoup d'âme, comme le seront Emily L., Les yeux bleus, cheveux noirs, etc. Bref, tous ces textes chiants que je trouvais absolument fascinants quand j'avais 18 ans. C'est peut-être moi qui suis devenue acariâtre avec le temps, cela dit...

Créée

le 28 déc. 2018

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