Ailleurs
6.7
Ailleurs

livre de Gérard Depardieu (2020)

J’ai acquis ce livre dans l’optique de découvrir les idées de Gérard Depardieu, ce qu'il pense un petit peu de la vie et du monde qui l'entoure, plutôt que de se contenter de la version médiatique de ce que l’on prétend de lui et de ce que l’on veut bien nous en montrer.

Faire connaissance avec l’homme plutôt qu’avec l’acteur et surtout le monstre qui fais les choux gras de la presse et des réseaux sociaux (à juste titre sans aucun doute).

A l’heure d’accusations graves qui lui sont portés et de la justice qui se mêle (avril 2024), il est temps qu’en tant que fan de son cinéma des années 90, j’approche d’un peu plus près ce qui se cache derrière sa tête.


Style d’écriture

Ce qui m’a tout de suite frappé c’est son style d'écriture et surtout l’introduction, là pour le coup, il m'a « mis sur le cul » dès le début. C’est tellement joliment écrit que j’ai eu l’impression de lire un poème. Un poème qui introduit son livre de la meilleure des façons qui soit, qui m’a scotché. J'ai eu un " Waouh !", ça commence très fort, je me suis tout de suite senti dedans. C’est à la fois tellement beau, d’une certaine profondeur, synthétique et clair. Après quelques minutes de réflexions à relire quelques lignes, j’ai pourtant l’image de cet affreux bonhomme qu’on nous décri si souvent à cor et à cri. Un doute terrible me vient alors : Comment imaginer que ce soit vraiment Gérard Depardieu qui a écrit cette œuvre ? Les chapitres se suivront, la qualité restera de très bonne facture dans l’ensemble (jamais l’introduction n’aura son égal). Mais cette idée ne me quittera jamais vraiment le tout le long, est-ce que c'est ce Depardieu qu'on nous décrit tout le temps comme un espèce d'ogre monstrueux, mangeur d'enfants et vulgaire, est-ce que c'est vraiment ce même homme qui a écrit cette introduction, qui a écrit ces lignes si délicieuses ?

On peut supposer (et espérer) qu’on lui a soufflé ces quelques mots qui ont traduit sa philosophie pour mieux servir son discours.

Nous sommes donc plutôt à l’aise pendant la lecture, c’est léger, cela se lit facilement parce que cela nous transporte et nous fais un peu rêver.

Les rêves de Gérard, de prime abord, semblent assez simples : des voyages, des rencontres, respirer à plein poumons de nouveaux paysages, toujours plus loin, « Ailleurs ».

Il nous présente son approche de la philosophie de la vie, comment il voit les choses et comment « on doit » les interpréter (oui, j’ai parfois l’impression qu’il décrit les préceptes de sa bible et qu’il nous invite à le suivre dans « sa » vérité).

Nous sommes donc assez loin de ce que l’on décrit médiatiquement de lui habituellement, bien que quelques vulgarités nous ramènent à la réalité. On s'étonne donc que cet homme de caractère a pu développer une philosophie de vie assez profonde, assez posée, assez réfléchie, assez particulière. Cela éloigne le monstre que l’on nous décrit habituellement.

L'écriture est simple, je dirais même trop simple. Il parle (écrit) comme il pense, et c'est ce qu'il essaye d'exprimer dans son livre : C'est-à-dire que comme il l’explique, il ne veut pas s'accrocher aux choses, aux lieux, aux langues, aux cultures, à quoi que ce soit et même aux gens je pense ; Je pense qu’il a écrit son livre de la même façon, très souvent, j'ai même envie de dire quasiment tout le temps, ses phrases Gérard ne les explique pas vraiment, ne les argumente pas vraiment ou jamais en survolant, cela laisse un petit peu au lecteur le loisir d'imaginer ce que Gérard essaye de lui dire. Et comme Gérard nous décrit sa façon de penser et sa façon d'être, notre imagination a les armes nécessaires pour deviner ce qu'il pense puisqu'on arrive à recoller les morceaux, on se dit alors « ben oui, là il a dit ça dit de cette manière, si on le prend au premier degré c’est une idée un peu limitée, un peu bizarre ou même débilisant voir dangereux alors que finalement si le lecteur a compris les codes (ce qui n’est pas le cas au début), ce n’est pas le cas du tout.

Je nuancerais sur quelques éléments que même en lui l’excusant de notre interprétation, je trouvais qu'il allait trop loin. Je n’ai pas d'exemples clairs en tête, mais je ne trouvais pas ça très forcément très malin ce qu'il disait sur certains aspects, où j'étais en désaccord, voire en complet désaccord avec lui.


Critique de sa philosophie

Cela reste quand même assez particulier cette obsession pour "l'Ailleurs" comme il le dit, c'est à dire de vouloir toujours être dans l'appétence de découvrir de nouvelles choses et voir le monde qu’au travers de ressentis (communiquer avec le regard…).

J’ai envie de dire un grand oui, c’est bien, c’est beau mais comme tous philosophes, il parodie ce que la vie doit être. Il y a un temps pour cela et un temps pour profiter de l’instant présent ce qu’il dit lui-même dans un des chapitres, j’ai l’impression d’y voir une contradiction.

Certains de ses appels ou conseils me semblent très hors-sol, Gérard nous conseille ainsi de faire des choses, de dire des choses à des personnes ou d'aller voyager dans tel ou tel pays très très (très) exotique et pas vraiment touristique, ma priorité dans la vie, ce ne sera pas d'aller visiter l'Ouzbékistan ou l'Éthiopie ou la Corée du Nord. Bien sûr que ce sont des cultures particulières et qu'il y a certainement des choses à découvrir et des gens avec qui on peut partager des choses. Mais je ne suis pas certain que ce soit cela que je recherche en priorité pour mes prochains voyages. Gérard a beaucoup voyagé et a certainement du temps (et de l’argent) pour cela, ça se voit, ça se sent. Mais s’est-il mis en face de son lecteur dans ce genre de situation ? Lorsqu’il décrit ce genre de choses, on a l’impression qu'il parle du haut de son piédestal et je ne suis pas certain qu'il était complètement conscient qu'il parlait comme ça.


Son détachement de la France

Sans surprise et au regard de ce que l’on perçoit dans les médias, en substance c’est aussi un livre qui parle politique, on voit qu'il veut faire passer certains messages et donner son avis. Très critique envers la France, parfois sans la nommer et de façon plus large la culture française et occidentale. Vraiment très très critique. Comme si cet « Ailleurs » était un échappatoire de la France et l’occident, comme si d’autres pays se révélaient automatiquement de valeur plus « noble », c'est un point de désaccord important pour moi. Je ne comprends pas cette contradiction de vivre le moment présent sur lequel il touche quelques mots et cet Ailleurs qu’il défend tant. On peut très bien vivre notre moment présent et être extrêmement bien et épanoui dans notre propre culture (française) qui a certainement des défauts mais finalement comme dans toutes les cultures et comme dans tous les pays, où il y a certaines caractéristiques présentes qu'on ne retrouve pas ailleurs positives comme négatives et ce partout.

Depardieu ne fait pas cette nuance, Ailleurs, c'est toujours mieux. C'est toujours mieux que la France. Comme je précisais, il a été très critique envers sa culture d’origine, bien que pour lui l’origine n’a pas d’importance (pourquoi apporter tant d’importance à d’autres cultures dans ce cas ?), il s’est permis de critiquer la culture et l'identité française, cela m'a assez gêné, choqué même, arguant que cela n’a pas d’importance. Qu’importe la politique, Depardieu est une icône culturelle de l’hexagone, il doit beaucoup à ce pays qu’il déteste tant aujourd’hui, je ne trouve pas cela très sain de la façon dont il le (nous ses fans) remercie, l’homme est ici un peu décevant, même si je peux imaginer qu'il a probablement été déçu sur des points qui lui sont propres, je vais poser un jugement par cela ne me semble pas très sympa ou honnête de sa part de tout rejeter le tout en bloc. Mais il préfère embrasser toutes les autres cultures et même d'un point de vue de la religion. Mais voilà, il abandonne la France.


Conclusion

Finalement, on voit que Depardieu a une véritable expérience de vie, qui a vécu des choses. Je serais surpris que le fruit de ses réflexions ne soit que le simple fait de ses conclusions, de ses propres constats et ressentis de la vie et qu’il ne s’est pas inspiré de sagesses déjà existantes par ses propres lectures par exemple. Je pense au thème du développement personnel assez proche. Mais ce n’est qu’un doute. On a l'impression qu'il parle comme s'il avait inventer le fil à couper le beurre mais Gérard je t’assure que sur certains aspects tu n’as rien inventé ahah, mais rassure-toi, tu en a fait une bonne synthèse. En tout cas, il s’est approprié ces valeurs, qu’il transpire dans ses émotions, son corps et peut-être même son âme.

C'est un livre qui a été très plaisant à lire. Une bonne surprise, c’est certains. Je m'attendais à beaucoup plus de banalités je dirais. C'est aussi surprenant de trouver un Depardieu qui s'exprime ainsi. Je pourrais le recommander au moins à ses fans et à ceux qui comme moi sont curieux du personnage, d'en apprendre un peu plus sur lui, de connaître un sa façon de penser ou sa philosophie de vie et pour ne rien gâcher c'est facile à lire.

OlivierHbque
7
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le 20 avr. 2024

Critique lue 12 fois

Olivier Hbque

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