(Selon les éditions, elle s'appelle Philomène.)
On aura beau dire d'Honoré de Balzac, le qualifier de peintre des tourments humains, d'infatiguable écrivain qui allait décrire les moindres détails, c'était avant tout un bon gros feuilletonniste qui cherchait à vendre du bouquin au kilomètre. Quand on sait qu'il a écrit 40 tomes de La Comédie Humaine en vingt ans, on ne me fera pas croire que TOUS sont des chefs d'oeuvres indispensables (la preuve, vos profs de littérature en ont lus quatre ou cinq grand maximum) et à vrai dire, il y a limite une "formule" Balzac.
Ainsi, la plupart de ses romans commencent par des descriptions, parfois interminables, des peintures des habitudes et des ambitions de certains personnages qui s'étalent sur des dizaines de pages, certains ne se révélant finalement n'être que secondaires à l'intrigue (ici, Amédée de Soulas.) Ou bien, on se retrouve avec des lectures de très longues lettres, des résumés de choses que l'on sait déjà, des déchirements intérieurs interminables avant qu'une décision ne soit prise, ou, comme ici, un récit dans le récit (la très longue nouvelle racontant les émois de Rodolphe/Albert.)
Et puis, une fois le lecteur bien appâté par le récit, celui-ci s'accélère à mort dans le dernier quart dans lequel les événements s'enchaînent et sur lequel plusieurs années finissent par s'écouler. Bim : emballé c'est pesé, rendez-vous le mois prochain pour le roman suivant.
Pourtant, j'aime bien les romans de Balzac et je trouve que derrière le côté assez rebutant de livres qui accusent bientôt deux cent ans, les descriptions à rallonge et les phrases alambiquées, on trouve de bons petits récits plutôt bien construit et originaux.
Ainsi, dans le destin du personnage d'Albert Savaron de Savarus, on sent que Balzac s'est amusé à déconstruire l'archétype de "l'ambitieux" qu'il avait construit avec Rastignac. Rastignac réussissait à déjouer sans arrêt les attentes des uns et des autres afin de s'élever dans la société, un archétype qui inspirera Stendhal (Le Rouge et le Noir) Maupassant (Bel-Ami.) Souvent on s'attend à ce que ce genre de personnage soit limite proche d'un autre archétype celui du Maître d'Echec, qui a TOUT prévu.
Or, ici, non seulement le plan minutieusement préparé par Albert échoue complètement, mais en plus, il est détruit par une jeune fille amoureuse de lui (Rosalie / Philomène de Watteville) qui tente de déjouer son plan en espérant que cela l'amènerait à le rendre amoureux d'elle. Évidemment ça échoue, mais c'est finalement assez bien décrit pour qu'on regarde le tout, fasciné par la vue d'un train qui déraille (avec une pointe d'intrigue politique qui a un peu échoué à être comprise par un lecteur du XXIe siècle comme moi.)
Bref, c'est un volume de la Comédie Humaine qui mériterait à être un peu mieux connu.