Colum McCann, avec Diane Foley, revient sur l’événement qui bouleversa le monde entier, la décapitation du journaliste, free lance américain, Jim Foley. La vidéo circula sur YouTube, postée par l’Etat Islamique en août 2014, puis rapidement supprimée.
À cette époque, personne n’avait imaginé que ce groupe terroriste, né en Irak, profiterait des troubles de la guerre civile syrienne pour s’y implanter. La même année, le groupe se déclare califat, englobant l’Irak et la Syrie. La décapitation filmée, au retentissement mondial, marque le début de l’utilisation de la terreur pour établir un État islamique régi par la loi islamique.
Derrière cette vidéo de propagande, d’une violence insoutenable, American Mother force à regarder le visage des bourreaux. Surnommés Beat-le (de battre, en anglais), les trois criminels ont été identifiés. Deux d’entre eux encore vivants, Alexanda Kotey et El Shafee El-Sheikh, ont été ramenés aux USA pour y être jugés.
Colum McCann se rapproche de Diane Foley lorsqu’il constate que, sur une photographie, John Foley lisait un de ses romans. La volonté de Diane, de faire quelque chose de la mort de son fils, a rencontré celle de l’écrivain, qui voulait construire un ouvrage non fictionnel, rédigé à partir d’échanges. American Mother est parue en premier en France. Les autres parutions suivront dans le monde.
Le combat d’une mère
American Mother est construit en trois parties. Dans la première, Colum McCann raconte la rencontre entre un des tueurs et la mère du journaliste.
Alexanda Kotey : Alexanda signifie protecteur du peuple et Kotey, vient du Ghana, une bonne âme. Ex-citoyen britannique, mais ex-soldat de Daesh. Voilà sept ans que Jim Foley a été tué.
La mère de Jim, déjà âgée, décide de répondre favorablement en rencontrant l’un des responsables de la mort de son fils, un aspect juridique que la loi propose.
Alexanda Kotey reconnaît avoir rédigé les dernières paroles que Jim Foley fut obligé de lire avant d’être décapité. Il plaide coupable de huit chefs d’accusation. Cette démarche pouvant réduire sa peine, il se propose de parler aux familles des victimes, avant le verdict. Diane Foley a été la première à accepter de le rencontrer en octobre 2021.
La deuxième partie permet à Diane Foley de partager l’histoire de son fils et de la lutte de sa famille à travers son quotidien bouleversant. On découvre ses recherches pour trouver sa voie, les conceptions de son métier de journaliste et sa soif de rendre compte de l’aspect humain en temps de guerres. Mais, on suit aussi Dianne Foley dans ses démarches pendant l’emprisonnement puis après la mort de son fils.
Pour la troisième, Colum McCann reprend la description des années des procès et le quotidien de Diane. Le combat de cette femme, active jusqu’à essayer de se frayer un espoir dans les méandres des autres libérations puis dans la création de la James W. Foley, la fondation, est terriblement touchant.
Une femme lumineuse
À l’inverse des gouvernements européens, le gouvernement américain ne négocie pas la libération des otages civils. Les États-Unis ont la politique de chercher à assurer la libération des otages par d’autres moyens, notamment par des opérations militaires ou des actions diplomatiques. Jim Foley n’a pu bénéficier, comme d’autres prisonniers avec lui, d’une libération.
On comprend le titre, American Mother : À la fois, mère courage, mère colère mais surtout mère amour, Diane Foley, tel que nous la présente Colum McCann, est un portrait de femme inoubliable. Cette femme a tenu tête au président Obama et continue son combat pour la sécurité des journalistes et la défense des otages.
La religion est une notion constante dans American Mother. Véritable soutien pour Diane Foley, la notion du pardon y est largement questionnée. Mais, c’est aussi celle de la manipulation, du repentir et celle de la foi que Colum McCann interroge sans jamais oublier de rappeler, par les faits, la profonde humanité de cette femme.
Le récit d’Américain Mother nécessite du temps, tellement la description du quotidien de cette femme émeut, bouleverse par la justesse du propos, par la simplicité avec laquelle elle livre son ressenti, ses craintes mais aussi ses colères.
En conclusion,
Le travail du romancier est particulier. L’écriture de Colum McCann est uniquement au service de cette femme, devenue son amie. Il estompe sa présence pour décrire, donner la parole, rendre compte sans jamais livrer une impression ou un ressenti personnels. Il y a du respect et de l’affection dans cette mise au service de ce combat.
American Mother de Colum McCann avec Diane Foley est un ouvrage à découvrir autant au niveau sociologique, politique qu’humain. Il rend compte d’un travail au plus profond de soi pour dépasser la vengeance et accéder, non pas au pardon, mais la reconnaissance de l’autre, comme un humain à part entière, dans sa vérité, y compris avec ses facettes les plus noires.
Chroniques illustrées ici
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