Signe d'une ère de Renaissance en Afrique? Ce roman en est un exemple.

Il va falloir s'habituer à retenir le nom imprononçable de cette auteure, ainsi que de nombreux autres créateurs de l'Afrique Noire, d'où émerge ces dernières années un foisonnement culturel éblouissant. Est-ce le temps de la renaissance sur ce continent? A la biennale d'art contemporain de Venise l’année dernière aussi, j'ai pu apprécier la force, la créativité débridée, la fraîcheur, de certains artistes africains (Phoebe Boswell, Peju Alatise, Njideka Akunyili Crosby) face, il me semble, à un certain épuisement des nôtres (Damien Hirst étant le pire exemple).
C'est l'histoire d'une jeune femme Ifemelu qui quitte son pays et son amoureux Obinze pour les États Unis, puis revient.
A travers son regard souvent indigné, ses difficultés, ses amours, ses réussites, sa négritude, on découvre l'Amérique sous un angle très différent. On sent le choc des cultures entre un Nigéria porteur de conservatismes et d'exigences éducatives, mais où la corruption généralisée ne laisse pas sa chance à la jeunesse, et l'Amérique où tout est ouvert et possible, mais où les problèmes raciaux, la superficialité des relations, les non-dits mettent plein d'obstacles sur les chemins de l'intégration, qu'elle finit par réussir brillamment.
En parallèle aussi, le jeune Obinze tente l'immigration en Angleterre et y trouve d'immenses difficultés. Son parcours séparé est poignant. Un chapitre évoque l'élection d'Obama et la découverte qu'Ifemelu fait des "Mémoires de mon père", l'autobiographie qui m'avait à l'époque également très impressionné et fait souhaiter la victoire d'un président Noir après le désastreux fils Bush.
On est pris également par les amours tumultueux mais quelquefois charmants de cette jeune femme libre et indépendante qui dévore la vie de bon appétit.
Très amusants aussi ses passages chez sa crasseuse coiffeuse et ses longues élaborations sur la nature des cheveux d'africaines et comment s'en occuper.
L'auteure nous emmène quelquefois sur le blog que publie son personnage et qui est titré "Raceteenth ou quelques observations sur la négritude en Amérique par une Noire non américaine". Source de son succès professionnel, ces posts mettent le doigt sur les blocages raciaux encore si prégnants aujourd'hui.
De retour au pays après de longues années (et 600 pages, quand même!) elle retrouve Obinzé et font d'émouvantes retrouvailles, lui devenu riche et marié, elle toujours passionnée et prête à changer le monde.
Je ne révèle pas la fin, mais j'ai bien aimé ce livre, malgré la longueur très américaine de ce texte.
A lire ces jeunes auteurs, voir ces artistes ou rencontrer ces nouveaux entrepreneurs, l'univers des startups, que décrit Jean-Michel Sévérino dans son dernier ouvrage, on se prend à penser que l'Afrique, forte d'une identité et d'une culture originale, est à l'aube d'une ère nouvelle de prospérité, comme fut la Renaissance en Europe.