Incontournable Février 2022


Après avoir écrit "Loup y es-tu?" pour la collection #Onestprêt de la maison Glénat, Charlotte Bousquet élabore un roman similaire pour la collection "Faune" de la maison ScriNéo, où un humain et un animal ont une relation onirique qui flirte avec le fantastique, pour traiter un enjeu écologique.


Jada, adolescente états-unienne vivant dans un quartier où des gangs de rue se font la guerre, reçoit une formation de guérisseuse par Hannah, une sage femme aujourd'hui décédée. Rafistoleuse de corps des membres du gang des Twen5, elle n'imaginait pas se retrouver au coeur d'une tentative de meurtre à l'endroit du chef du gang rival. Si ce dernier meure effectivement au cours de la fusillade, ce n'est pas du fait de Jada, qui avait eu plutôt l'idée saugrenue de tirer sur la laisse qui séparait cet homme de son animal. Queen, lionne de son état, sert aux combats contre les chiens qui servent de divertissement illégal dans le quartier, où des paris sont effectués. Jada se retrouve avec ce même animal maltraité dans le même refuge, après les évènements. Entre elles deux nait une complicité improbable, fortement aidée de rêves qu'elles semblent partager. Pour Jada, le tout est de trouver une façon de sauver Queen et d'échapper au Chef des Twen5, qui veut maintenant les capturer toutes deux.


C'est véritablement similaire à "Loup y-es-tu?" de la même autrice, mais cette fois entre une adolescente et une lionne plutôt qu'une jeune femme avec un loup. On a le même "entretemps" partagé, cet espace onirique où émotions et rêves s'interpellent. Néanmoins, ici, il y a aussi cette dimension où semblent se retrouver les lions pour communiquer entre eux, malgré la distance et où se retrouve aussi la jeune demoiselle, malgré son humanité. le sujet tend cette fois vers la maltraitance animalière liés aux exploitations pour les cirques, combats, courses et autres trucs illégaux désormais. Une petite rubrique nous parle des lions à la fin, des mythes rencontrés à leur endroit, mais j'aurais aimé en savoir plus sur ce qu'a trouvé l'autrice sur le sujet des animaux exploités qui ont du servir à écrire son roman.


On aborde légèrement la difficulté de sortir des réseaux de gangs, soit parce que le quartier en est infesté ( si, si, infesté, quels bande de parasites), soit parce que la famille a un pied dans l'une des factions. C'est un problème social typique des quartiers pauvres des grosses villes, que ce soit les villes canadiennes ou états-uniennes et où règne la loi du plus fort ( le plus "armé" bien souvent).


Si on adhère volontiers à la belle amitié des deux filles, je dois avouer ne pas avoir adhéré à la psychologie du frère engloutie par son gang. Il manquait peut-être de finesse sur le sujet des gangs, très survolé et très caricatural.


Petite interrogation personnelle ici: je constate que les personnages noirs sont surreprésentés en littérature jeunesse quand on parle de gangs, mais dans la vraie vie, plusieurs groupes ethniques sont coincés dans ces réseaux, même des blancs/caucasiens. Est-ce qu'on oublierait que des jeunes noirs sans histoires dans la classe moyenne et moyenne supérieure ( Riches, pourquoi pas?), ça existe aujourd'hui? En ce sens, je m'interroge sur la perception des auteurs et autrices jeunesse, parce que les personnages Noirs sont presque systématiquement impliqués dans les histoires de gangs, de contextes socio-politique pauvres et/ou de violence domestiques. Et d'ailleurs, les gangs criminalisés latinos-américians sont désespérément absents du décor littéraire jeunesse, alors qu'ils sont très nombreux aux USA. Je m'interroge surtout du fait que ça risque de créer une persistance des stéréotypes ethniques, de donner l'impression aux jeune afro-américains que c'est là leur seul archétype social, en plus de ne pas être représentatif de la réalité. Bref, en matière de représentativité, il y a beaucoup à faire. Fin de parenthèse.


Histoire de survie, de confiance et de liberté, aux accents de nature sauvage et de frontières inter-espèces, ce roman propose la rencontre improbable de deux protagonistes féminins, prisonnières à leur manière de la bêtise et de la cruauté de certains hommes, et qui s'apprivoiseront pour s'en libérer. Elles se partagent d'ailleurs la vedette dans la narration.


L'écriture est jolie, mais le rythme n'est pas haletant et certains passages sont même survolables. Reste que c'est un bon roman et une bonne tribune pour parler des animaux maltraités.


Pour un lectorat du premier cycle secondaire, 13 ans +.

Shaynning

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