Alors que je termine à peine l'Anno Dracula de Newman, le lecteur de cette critique me trouvera bien indécise. Car à la question "ai je aimé ce bouquin", nulle réponse claire n'émerge à la surface de ma petite cervelle.
Je retrouve dans cette oeuvre les mêmes désagréments mais aussi les mêmes points positifs que j'avais rencontré lors de ma lecture de Moriarty en début d'année.
Ce qui me chiffonne principalement est le style de l'auteur. Je n'ai compté les fois où, durant ma lecture, je me suis tapé les doigts pour avoir céder à la facilité et acheté l'oeuvre en français. Pourtant les traducteurs des deux oeuvres sont différents (Leslie Damant-Jeandel pour Moriarty et Thierry Arson pour le présent ouvrage) et la faute ne peut être entièrement imputée à une traduction qui ne serait pas à la auteur du (des) textes original(aux). Je l'admet, je n'ai pas le niveau nécessaire pour critiquer convenablement le style de ces deux oeuvres, mais quelque chose m'a chiffonné durant ma lecture. Lecture qui en fut quelque peu gâchée. L'envie pressante qui me fait dévorer les pages et acheter les tomes suivants avant même d'avoir finit un livre ne s'est pas fait ressentir ici et encore aujourd'hui je me demande sincèrement si je lirai un jour la suite de cet Anno Dracula. La chose est rare.
Car hormis ce point technique, le livre fait preuve d'imagination, d'humour et de talent. Plus encore que dans Moriarty, Newman pioche allègrement dans l'Histoire et la littérature pour permettre à des héros réels ou fictifs de se croiser dans son oeuvre. Comme le dit si bien Newman dans les annotations de l'édition du livre de poche, "Anno Dracula est un roman littéralement vampirique, au sens ou il s'est nourri d'autres oeuvres de fiction". J'avoue apprécier le concept lorsqu'il est abordé par quelqu'un d'inspiré.
On trouvera donc ici des emprunts à l'oeuvre de Bram Stoker (évidemment) tout comme à un nombre impressionnant d'oeuvres littéraires et cinématographiques sur les vampires. Mais le vampirisme de Newman ne s'arrête pas là puisqu'il pioche également dans la prose de Conan Doyle (pour les frères Holmes et Moriarty mais pas uniquement), dans l'oeuvre de Stevenson (pour Hyde), de Wells (à qui il emprunte le docteur Moreau) et de bien d'autres, plus ou moins connus du grand public.
Utiliser ainsi des personnages de fiction existant déjà pour donner vie à une oeuvre originale qui ne se contente pas de copier-coller des morceaux de livres ou de films à succès est un art délicat et Newman semble très bon à ce petit jeu là.
Car si comme bien d'autres avant lui, l'auteur s'est penché sur Dracula, sur Jack l'Eventreur et compagnie, il le fait dans une intrigue vraiment sympathique et chacun des personnages de son oeuvre trouve une nouvelle existence non dénué d'intérêt pour le lecteur.
Le livre apporte également son lot de réflexion sur les différences entre vampires et humains, sur les stéréotypes liés aux nosferatus, sur ce qui fait d'un être un humain, et sur les drames que peuvent engendrer la coexistences de deux cultures différentes. Car comme partout ailleurs, les bons et les méchants, les idiots et les génies se trouvent également dans les deux camps qui tentent de vivre ensemble et sont menés à l'affrontement par la bêtise, la méchanceté et les manigances de quelques uns.
Newman apporte un regard que je n'avais pas vraiment trouvé jusqu'à présent dans les oeuvres que j'ai pu lire ou voir sur les vampires jusqu'à présent et leur donne une "humanité" raffraîchissante. Avec Dracula au pouvoir et un grand nombre de sang-chaud passés du côté des vampires, le lecteur porte un nouveau regard sur Van Helsing, les vampires et leurs chasseurs.
Anno Dracula est donc pour moi un agréable divertissement qui aurait put m'enchanter complètement si son style ne m'avait pas turlupiné. Inspiré et plein'de références, il nous offre une histoire originale qui donne envie de se plonger -ou de se replonger- dans bien des oeuvres quelles soit littéraires ou cinématographique, et rien que pour cela, il mérite bien une étoile bonus.
NB. Le livre de poche offre une édition enrichie de textes bonus - dont la fin alternative de la première version de l'oeuvre- plutôt sympas pour le lecteur.