L'Antigone d'Anouilh, c'est d'abord une histoire.
Une histoire qui est moins, à mon sens et paradoxalement, celle d'Antigone que celle de Créon. Créon tente de conduire les hommes, il est le maître et pourtant il ne peut rien. Il connait les hommes depuis le temps qu'il les conduit. Leur bassesse, leur bêtise. Il ne peut être leur maitre - ou tout du moins leur roi - qu'en acceptant et en utilisant cela. Il ne peut sauver personne. Il ne peut pas changer la loi (et, ce qui est pire que pour le Titus de Racine, une loi qu'il a lui-même promulguée). Pas la peine de lire des bouquins sur le management d'équipe à 2 ronds: apprenez déjà de Créon.
Et puis il y a Antigone, la petite peste sans laquelle ils auraient tous été bien tranquilles. Antigone ne connait pas les hommes, elle ne veut pas les connaitre. Elle ne veut ni les comprendre ni les voir. Elle ne veut que jouer son rôle qui consiste à défier Créon, à mourir et à emporter tout le monde avec elle. Ce coté dur que nous avons tous eu (et même Créon, qui l'écoute du fond du temps), cette foi de la jeunesse, d'avant de devenir réaliste - ou pas, d'ailleurs. Ce conflit là est éternel.
Et puis il faudrait ajouter le ton d'Anouilh, notamment par la voix du chœur, ajouter le désespoir d'Hémon, il faudrait tant dire pour dire tout ce qu'on peut retirer d'Antigone. Mais c'est difficile de parler, alors allez donc plutôt lire l'Antigone d'Anouilh. Vite.