Magistral

Il est difficile pour un historien de rédiger une critique de cet ouvrage majeur de notre discipline dont la lecture est recommandée à tous les étudiants de première année. Il l'est encore plus pour un patriote qui voit se profiler de tristes jours.
Étudiante studieuse pourtant, ce livre je ne l'avais jamais lu. J'en avais retenu l'auteur, le titre, la date de rédaction et celle de parution, placé le tout dans un coin de ma tête en septembre 2009. Je m'en rappelle encore,c'était le td de méthodologie de Mme Dusserre.
A la veille d'entreprendre enfin ma thèse en Histoire médiévale, après trois enfants et une conversion, après moultes réflexions sur l'état de la patrie, le but de ma vie et la mémoire à honorer de mes aïeux des FFI, le testament de Marc Bloch, je l'ai enfin lu et non pas sans pleurer.
La deuxième guerre mondiale, Bloch l'a vue venir de loin à l'instar de certains de ses contemporains et en décrit les causes dans un autre ouvrage. Il a vu, il a senti cette odeur de mort et il s'y est préparé. Il n'a pas délaissé pour autant ses chères études, au contraire. Jusqu'au seuil de la mort, il a œuvré pour l'Histoire, pour la France, pour nous instruire, nous exhorter, nous, petits apprentis chercheurs en quête de l'humanité, à travailler jusqu'au bout pour la vérité. De la méthode, de la rigueur, de la simplicité dans le compte-rendu afin de toucher les lecteurs et leur expliquer les causes, les moyens, les enjeux, les effets, sans jamais oublier la complexité des acteurs.
Apologie, le mot n'est pas trop fort, oui apologie pour l'histoire, la plus belle et délicate des disciplines intellectuelles. J'exhorte tous les amateurs de la chose à lire cet ouvrage, très beau car porté par une langue magnifique, ce bouleversant plaidoyer duquel ressort la passion amoureuse de Bloch pour son art, sa foi, la France et ses congénères. Impossible de faire ici une pâle resucée de cet admirable petit instrument de travail qui me servira de boussole pendant les 7 (10 ?) années à venir, afin de m'approcher du maître.
Citons seulement la dédicace de Lucien Febvre : "Il y a quelqu’un à qui Marc Bloch, de toute évidence, eût dédié, avant de disparaître, l’une des grandes œuvres que nous attendions encore de lui. Quelqu’un dont tous ceux qui ont connu et aimé Marc Bloch ont su de quelle tendresse exclusive elle l’avait entouré, lui et ses enfants — et avec quelle abnégation elle lui avait servi de secrétaire et d’auxiliaire dans ses travaux. Je sens comme une obligation à laquelle rien — pas même ce sentiment de pudeur sentimentale qui était si fort chez Marc Bloch — ne peut m’empêcher d’obéir, je sens comme un devoir la nécessité d’inscrire ici le nom de Madame Marc Bloch — morte pour la même cause que son mari et dans la même foi française que lui. "

RIP Amen