Je sais écrire en anglais, je voulais simplement faire un jeu de mots avec disparate, donc calme-toi quand même sur les insultes.
Arlington Park nous raconte la petite vie monotone de mères de famille (pas toutes ? je ne sais pas, je ne sais plus) dans un quartier chic (peut-être est-ce même une ville, on ne sait pas, on ne sait plus). Tour à tour, Rachel Cusk passe en revue différents couples et surtout différents points de vue sur la femme et son mal-être dans le couple. Si le roman manque totalement de rythme et d'attrait à certains endroits, il a tout de même le mérite de tenir sa promesse et d'offrir un moment privilégié avec ces femmes qui semblent tout avoir, et qui auront probablement tout sauf la maîtrise du temps, seule chose qui les préoccupent. Pieds et poings liés, elles semblent subir leur quotidien, et derrière les masques se cachent une souvent une réalité touchante.
Car c'est ce que je tire de Arlington Park pour ma part, le récit de femmes sans avenir, prisonnières de leurs souvenirs et très déçues par leur présent. Toutes leurs histoires ne se valent pas, mais elles ont le mérite d'avoir quelques fulgurances, comme cette femme qui se met, sans raison apparente, à jalouser la nouvelle fille au pair, malgré une gentillesse déconcertante, à défier sa beauté, son galbe, son entrain, son maquillage, elle voit à travers ce jeune modèle de réussite et d'indépendance ce qu'elle a perdu à tout jamais. Si Rachel Cusk réussit une chose, c'est d'insuffler à ses scénettes un véritable décalage entre l'environnement et les personnages dont on sonde les cœurs, même si c'est fait de façon sommaire. Un côté Virgina Woolf dans sa construction très lente et surtout dans un thème qui lui est très cher : se comprendre et se déchiffrer au travers du regard de ceux que l'on aime comme ceux que l'on respecte.
La comparaison s'arrête (heureusement) là, car nos Desperate Housewives paraissent bien ternes à côté de romans à succès qui dévoilent déjà admirablement l'envers d'un décor en carton-pâte. Je pense à Gatsby le Magnifique du génial Francis Scott Fitzgerald. D'autres s'y cassent les dents, comme le très moyen Hell de Lolita Pill. Rachel Cusk, dont le style dépouillé ne favorise pas l'immersion, rate un peu le coche et semble toujours parler de profondeur en surface, ce qui paraît cocasse pour un livre qui prétend redéfinir les dessous d'une vie moderne en banlieue résidentielle. Les non-événements s'enchaînent, les sauts dans la sensibilité de ces femmes sont frustrants car rapides et finalement éculés, voire inexistants parfois pour des raisons que l'on ne s'explique pas ; à quoi bon écrire des lignes et des lignes sur une vaisselle faite, sur des micro-détails dont on se fiche si le but n'est ni de les utiliser, ni de les analyser, et encore moins de les mettre en concordance avec la vacuité et l'ennui de leur vie ?
En bref, j'attendais beaucoup plus de ce livre qui m’apparaissait intéressant, autant par sa couverture que par son sujet. Un peu perdu par la citation élogieuse de l'Express, qui en faisait le roman clé à ne pas zapper de la rentrée littéraire (2008, on imagine). Un aveu étrange, car Arlington Park n'est ni bon, ni mauvais, il n'est pas non plus transgressif ou osé, c'est un gentil feu de paille, une brise qui vient caresser le bout des ongles durant la lecture.
Elle est scénariste sur l'adaptation d'un autre de ses livres, La Vie domestique, et je ne crois pas me tromper en disant que le producteur a eu le nez creux de faire appel à Emmanuelle Devos. Dans ce film (que je n'ai pas vu), elle doit sûrement refléter à merveille toutes les névroses d'une quadra titubante dans son quotidien bien huilé - et je dis ça sans ironie. J'aimerais relire Rachel Cusk dans un roman plus percutant, plus fort, plus rentre-dedans - et ne me dis pas Rachel que répéter le mot pute pour définir des habits vulgaires dans une banlieue bien rangée fait de toi une auteure qui dépasse les bornes de la bienséance et du déjà-vu.