Publié sur L'Homme qui lit :
C’est avec une régulière impatience que j’attends les premiers jours de janvier, qui signent pour moi la parution éventuelle – et tellement espérée – d’un nouveau texte de Philippe Besson. Pour son dix-huitième roman, l’auteur qui fêtera ses cinquante ans à la fin du mois de janvier nous offre un récit d’autofiction remarquable, quasiment autobiographique.
1984, l’année de ma naissance, et l’hiver de ses dix-sept ans. L’histoire se déroule au lycée de Barbezieux, une petite ville de Charente, entre Angoulême et Bordeaux. Philippe est un garçon studieux, du style premier de la classe, avec quelques manières féminines qui le condamnent rapidement au soupçon d’homosexualité. Qu’importe. Dans la cour, il n’a d’yeux que pour Thomas Andrieu, garçon ténébreux sur qui les remous de la vie semblent glisser sans prise. Jusqu’à ce jour inattendu où, celui qu’il pensait ne pas être destiné aux garçons, vient lui confier le désir qu’il a pour lui, et le secret dont cela doit s’entourer.
C’est alors une histoire d’amour, une histoire de manque, que nous confie Philippe Besson. Un récit authentique, celui d’un adolescent assumant sa sexualité, qui tombe amoureux d’un garçon ne l’assumant pas. Une histoire vouée à ne pas s’envoler, condamnée par avance à devenir objet du passé, quand à la question de savoir pourquoi Thomas l’a choisi lui, l’auteur se remémore la réponse qui aujourd’hui le hante encore : « parce que tu partiras et que nous resterons » .
Lecteur assidu de l’auteur, même si parfois déçu, j’avais écrit à propos de Son frère, qui en fut ma première lecture, « je soupçonne ce livre d’être autobiographique. On ne peut pas écrire aussi bien et aussi juste sur ce sujet sans l’avoir fatalement touché du doigt » . Je comprends aujourd’hui avec « Arrête avec tes mensonges » que l’intuition était juste, qu’il fallait voir dans cette sensibilité, dans cette justesse des sentiments, un vécu plus ou moins proche, une tristesse quasi-similaire.
C’est la prodigieuse beauté de ce récit, de nous ouvrir les portes de l’univers de Philippe Besson, de nous permettre de comprendre les thèmes récurrents de l’auteur, ceux des amours contrariés, de l’abandon, du manque, du deuil. Ce roman, cette histoire qu’il peut aujourd’hui raconter, c’est la matrice de l’auteur que j’aime à lire, c’est la genèse d’une oeuvre toujours à fleur de peau.
Philippe Besson nous offre une fois de plus un texte sensible et délicat, à l’écriture chirurgicale, un récit intime sur le drame du secret, sur la séparation, mais aussi sur une époque, celle des années 80 et de l’épidémie de mort dont elle fut le témoin. Un livre à ne pas manquer.