« Arrête avec tes mensonges » Philippe BESSON (2017)
Au terme de ma lecture, qu’ai-je découvert ? Un BESSON inutilement menteur, sans plus. Avec son roman « Arrête avec tes mensonges » (Julliard 2017), Philippe BESSON donne l’illusion (avec celle-ci, on est déjà ou on reste dans le mensonge), de vouloir, pour une fois, quitter son strict territoire de romancier, où il n’écrit jamais que des fictions. Se présentant d’habitude comme un raconteur d’histoires, de mensonges, il va, cette fois, dire la vérité, toute la vérité sur son parcours amoureux et, tout particulièrement sur son premier et grand amour fondateur avec Thomas Andrieu. Amour de jeunesse, certes, mais amour initiatique et révélateur de sa personnalité profonde. (Allez donc !)
Après une mise en perspective, interview de l’écrivain BESSON par une journaliste lambda, qui tourne court car, depuis le fauteuil club dans lequel il répond de manière mécanique à la journaliste (excusez la suffisance !), l’auteur vient de reconnaître la silhouette de Thomas traversant le hall d’entrée. Il se lève, appelle ce dos qui ne peut être qu’à lui, court après cette silhouette, la rattrape, pose sa main sur son épaule. La silhouette se retourne et. … Fin du ‘pré-texte’! (On se croirait à un atelier d’écriture avec un incipit ouvrant à toutes les situations imaginables à développer).
Et puis, rentrant dans le corps même du sujet (s’il m’est permis, en l’occasion, d’user d’une telle expression), Philippe BESSON, en un premier chapitre, nous relate 1984, ses premières expériences, ses envies, ses peurs, ses craintes, son plaisir, la mentalité ambiante de l’époque, ses cours de lycée, l’obligation de cacher la vérité à une opinion non prête à des amours homosexuels et les non-dits qui structurent les relations parents-adolescents, ces derniers ayant toujours des choses à cacher. Toute cette histoire (pardon, cette relation de la vérité !) est bien écrite, avec le style claquant, net, précis qu’on reconnaît à l’auteur mais malheureusement alourdie par ce qui n’avait pas besoin de l’être, un cortège inutile de mises au point par l’auteur (En aparté, il soulignera tout ce qui était alors ou ce qui n’était pas encore)… A force d’ajouter des parenthèses, en veux-tu, n’en veux-tu pas ?, BESSON lasse. (En tous cas, le lecteur sexagénaire que je suis et qui n’a pas besoin de tous ces rappels de vérité connus de longues dates !)
Les deux chapitres suivants fausseront l’équilibre de l’édifice en mettant en relation l’amoureux BESSON avec. (… Nouvel exercice d’écriture. Dans la production de cet atelier, tâchez de ne pas succomber, comme l’auteur, à la facilité de l’invraisemblance qui met en présence des personnages tellement en accord qu’ils ne peuvent être que fabriqués et donc bien loin de la vérité !) Je n’en dirai pas plus à propos de ces deux rencontres pour ne pas dévoiler la suite de l’histoire (Même pudiquement, ce qui ici, paraît invraisemblable vu le sujet traité).
En conclusion, je dirai que l’histoire, si elle est bien contée, joliment écrite et se laissant lire agréablement, elle n’en reste pas moins une construction littéraire d’une vérité qui est – ou non – largement inspirée de la vie de l’auteur… (Quant à cela, je n’en ai rien à penser !) L’artifice de l’écrivain qui, cette fois, va parler vrai alors que toujours, comme romancier, il ment ne m’a absolument pas convaincu ! (Il y a chez BESSON, dans ce roman, une manière de faire croire qu’il ne parle que de lui comme je l’ai trouvée, à l’inverse, dans la plupart des romans de Emmanuel CARRERE qui lui laisserait entendre qu’il ne parle pas de lui alors qu’il est toujours au centre !) Ce ne sont là que jeux d’écriture qui n’apportent aucune légitimité aux questions abordées. Et, plus d’une fois à la lecture de ce roman, m’est venue une question : l’histoire du premier amour de l’auteur aurait-il eu le moindre intérêt d’être raconté (comme une vérité !) si l’objet de son amour avait été une fille, une condisciple de son âge et non un garçon ? (La réponse à cette question modifie l’intérêt même de dire la vérité, non ? Même (et surtout peut-être) plus de vingt ans après les faits…
Il me faut cependant souligner que si la question de fond, abordée ici, est celle de l’homosexualité naissante dans le corps et la tête d’un adolescent. Il était (et est encore de nos jours) utile de s’interroger à propos des positions tranchées, abruptes et non respectueuses du monde adulte à cet égard, positions qui sont autant de freins à la naissance d’une vie affective sereinement vécue. Ce thème donc, si souvent accompagné du manque d’écoute des adultes, est une justification en soi qui donne au livre une raison d’être. (Aucunement besoin de faire croire donc à une quelconque vérité du récit, cette vérité fut-elle-même vraie !)
La réflexion est ouverte…