Voici un roman très étrange, et glaçant. Paru pour la première fois en 1976, il ressort en France 40 ans après.
Arslan relate la conquête du monde par un général Ouzbek du même nom. Quand je dis relate la conquête, ce n'est pas pleinement exact. Pour être honnête, le roman commence précisément le jour où Arslan décide de fêter sa victoire et la conquête du monde.
Il va fêter cet évènement crucial dans la petite ville de Kraftsville (Illinois), où il décide aussitôt d'installer son QG. Le roman va alors s'attarder sur les suites de la conquête et sur ce qu'Arslan va faire du monde. C'est par l'entremise de deux personnages que nous aurons la possibilité de voir agir et penser ce conquérant improbable, d'abord par le biais du proviseur du collège local qui devient rapidement l'unique interlocuteur d'Arslan à Kraftsville, puis par celui d'un des élèves du collège qu'Arslan a violé le jour de la victoire et désigné comme son amant occasionnel.
Comme le laisse aisément entrevoir la dernière phrase, Arslan est un personnage fort peu recommandable. Arrogant, provocateur, libidineux parfois, il emploie des méthodes clairement brutales. Et cependant, le personnage fascine. Par sa grande intelligence d'une part, mais aussi par son côté mystérieux. Comment un obscur dictateur Ouzbek a-t-il pu s'emparer ainsi du monde ? Qu'est-ce qui a pu pousser des puissances comme L'URSS (on est en 1976) et les USA (sans parler de la Chine !) à renoncer au combat ? Et surtout, que va-t-il faire de ce monde si facilement conquis ?
Car comme tout dictateur qui se respecte, Arslan a de grands projets pour sa nouvelle conquête, mais eux aussi restent assez obscurs pendant une bonne partie du récit. Il s'agit évidemment d'œuvrer pour le plus grand bien (c'est un air connu en politique), mais ses méthodes et son comportement laisse assez peu d'espoirs quant à ses réelles intentions.
Je n'en dirait évidemment pas plus sur les manigances d'Arslan et ses motivations puisque leurs découvertes font parties du sel de ce roman.
Le récit s'étale sur plusieurs années, les plans et projets d'Arslan apparaissant petit à petit et ses rapports avec les deux narrateurs évoluent avec le temps. C'est d'ailleurs essentiellement autour des rapports que ces trois personnages vont développer que le récit s'articule.
Le jeune collégien entretient une relation d'amour / haine vivace avec Arslan, qui ne se démentira pas tout au long du récit. Le proviseur, sans arriver à apprécier Arslan finit tout de même par développer une forme de respect pour lui, respect qui semble mutuel.
Le roman baigne dans une atmosphère sombre, un peu glauque et est plutôt désespéré sur le fond. La lecture n'en est pas pour autant rébarbative, les trois personnages principaux étant assez bien campés pour tenir le lecteur en haleine.
Un roman dur (à tout point de vue), mais qui vaut le coup d'œil.