C'est sur, y'a de l'idée, mais laquelle ?
Régis Jauffret est un auteur à découvrir. Je ne connais pour le moment que ce livre de lui, et c'est un bon point de départ. La narration est très originale et le ton est délicieusement cynique. L'humour noir, grinçant, mêlé à un imbroglio de situations aussi absurdes qu'invraisemblables, vous donne quelques moments de lecture franchement savoureux.
L'auteur se fend enfin de quelques pensée bien trouvées, dont l'une fait partiellement le titre : "La famille est un asile de fous." Dans le sens où elle exacerbe les comportements les plus extrêmes.
Alors pourquoi un six étoiles ?
Parce qu'il y a malheureusement une lourdeur générale et une grosse approximation dans ce livre.
La narration est originale, mais se perd rapidement dans les méandres d'une pensée brouillonne, qui vous fait facilement perdre le fil. En passant du coq à l'âne sans transitions, j'ai souvent été obligé de revenir en arrière pour comprendre ce qui se racontait.
Ensuite, certains chapitres sont un vrai remplissage. Parfois inaboutis, parfois simplement bordéliques, on a souvent droit à une bouillie intellectuelle sans queue ni tête. Le pire étant sans doute au niveau des quatre cinquièmes de l'histoire. On vous sert un chapitre sur Damien vraiment vulgaire et graveleux. Tout le chapitre repose sur les mœurs homosexuelles du personnage, ou plutôt sur la manière dont il va se faire allumer la rondelle. Tout tourne autour du champ lexical du sperme. Et ce n'est pas une exagération de ma part.
Au départ, le personnage de Damien est décrit comme quelqu'un de trouillard, roublard et manipulateur. Mais toujours avec du recul et avec une sorte d'humour décapant. Dans ce fameux passage, le ton narratif change pour devenir pesant et malsain. Comprenons-nous bien. Je n'ai pas d'a priori négatif sur la communauté homosexuelle. En fait je n'en cogne. Je considère que chacun doit pouvoir faire ses choix et les assumer. Par extension, je pense donc que chacun doit pouvoir avoir la sexualité qui lui convient en toute liberté. Ce débat sur le mariage Gay m'aurait d'ailleurs laissé indifférent si je n'avait pas vu un tel déballage de connerie et de violence gratuite autour du thème et de la communauté. En tant qu’hétérosexuel, j'estime que ce débat ne nous concernait pas, même si je vois une marque progressiste dans la légalisation du mariage homosexuel. Mais passons...
Ici donc, j'ai eu l'impression que l'auteur décrivait le personnage d'une manière maladive, faite d’auto-contrition et de dégoût. Alors est-ce une manière d'introduire une certaine forme d'auto biographie ? Un Coming Out mal géré ? Ou une partie imposée par la maison d'édition et insérée à contre cœur ?
Mystère.
En tout cas, c'est vulgaire, maladroit et terriblement hors sujet dans le livre, puisque l'humour fait place à un discours presque mesquin. Homo refoulé, l'auteur ? Peut être existait-il un moyen plus fin et plus a propos d'aborder le sujet.
Je terminerai en disant que l'autre défaut du livre est sa redondance dans l'écriture. L'humour, les dialogues et le comique de situation s'essouffle vraiment à partir de la moitié du livre. Sans être désagréable non plus, (mis à part la partie citée plus haut) l'histoire s'étire en longueur inutilement. Je suis sans doute un peu mesquin en disant ça, mais j'avais l'impression que l'auteur s'écoutait parler. Certaines situations ne ramènent rien à l'histoire et sont par ailleurs un peu trop floues. On passe d'un personnage à l'autre sans préavis. Et comme les dialogues reposent sur des monologues subis par chaque personnages, il faut parfois s'accrocher pour suivre l'action en cours.
Je suis donc persuadé que le livre aurait été meilleur avec moitié moins de volume.
Voilà. On a donc un livre très original, avec un humour surprenant et grinçant, mais assez inégal. Loin d'être mauvais, on sent une hésitation et un remplissage qui traduisent sans doute un manque de finition.
Il reste quand même intéressant à lire, ne serait-ce que pour son originalité et son humour inhabituel.