Au bonheur des dames par LeChiendeSinope
Zola est quand même un sacré bonhomme. Il a réussi à parfaitement décrire, avec sa suite romanesque, les Rougon-Macquart, la société de son temps. Au menu donc aujourd'hui, le monde des grands magasins.
Car, non, messieurs et mesdames, madame surtout, les grands magasins ne sont pas nés en même temps que le caddie et Edouard Leclerc. Mais plutôt au Second Empire. Le plus emblématique de tous, c'est Le Bon Marché, le magasin d'Aristide Boucicaut, qui existe d'ailleurs toujours, et dont Zola s'est grandement inspiré.
Denise, une jeune pauvrette, débarque avec ses deux frêres chez son oncle, à Paris. Ce dernier est le gérant d'une petite boutique de draps. Et cet oncle, Baudu, comme bien des commerçants de Paris, subit la terrible concurrence d'un immense magasin au nom évocateur : Au Bonheur des Dames, dirigé par le mystérieux Octave Mouret... Une enseigne qui propose de tout, dans tous les domaines, au travers de très nombreux rayons, le tout à des prix très, très bas. Denise, ne trouvant pas de travail, est finalement acceptée comme vendeuse au Bonheur, et découvre bien vite la vie particulière au sein de cette immense machine.
La force de Zola, c'est de réussir à mêler des personnages attachants à de grandes histoires. Ici, on a l'impression de lire des choses qui restent encore d'actualité : la peur des petits magasins, leur disparition progressive devant un fait inéluctable, qui emporte tout sur son passage : les grands magasins. Un souffle épique se dégage des chapitres directement consacrés à cette bataille, qui comptera son lot de morts et de désastres...
On sent ici que l'auteur s'est vraiment documenté, car le roman fourmille de détails concernant le fonctionnement des magasins. Mais le plus fort, c'est ce génie quasiment visionnaire de Zola pour décrire les méthodes employées : la publicité, les réductions, les renvois d'articles, les méthodes peu sociales envers les salariés, etc. Vraiment, on croirait lire un acerbe pamphlet contre la société de consommation ! Ou, car Zola est plutôt favorable à ces magasins, un pamphlet contre ces femmes idiotes, avides de modes, complètement folles devant cette foultitude de choses diverses et variées ! Cette description du triomphe du capitalisme est succulente, et très moderne.
Comme toujours avec Zola, on rit, on s'attriste, on s'ennuie parfois, ici on regrette une histoire de cœur peut-être superflue ou trop envahissante vers la fin, mais ça reste très bon. A lire.